Recensions

Stephen Harper. La fracture idéologique d’une vision du Canada, de Frédéric Boily, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Agora canadienne », 2016, 148 p.[Record]

  • Charles-Antoine Millette

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L’ouvrage Stephen Harper. La fracture idéologique d’une vision du Canada se veut une « biographie intellectuelle » (p. VII) de l’ancien premier ministre du Canada Stephen Harper, qui a dirigé trois gouvernements conservateurs consécutifs entre 2006 et 2015. Cet ouvrage de Frédéric Boily, qui est professeur de science politique au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, présente sous un jour nouveau des « propos publiés antérieurement dans des textes académiques et d’opinion » portant sur le mouvement conservateur au Canada (p. VII). En introduction, l’auteur cherche à expliquer pourquoi Harper a autant suscité l’intérêt des journalistes, des intellectuels et des professeurs de science politique au Canada anglais lorsqu’il était au pouvoir. L’ancien chef du Parti conservateur du Canada (PCC) ne passait pas non plus inaperçu au Québec, dans la mesure où il s’est attiré la critique de nombreux francophones, dont les écrits avaient pour but de dénoncer son gouvernement. Harper ne suscitait pourtant pas la controverse pour des « motifs qui ont rendu sulfureux d’autres personnages politiques comme […] l’ex-maire de Toronto, Rob Ford » (p. 2). Son comportement ne se comparait certainement pas non plus à celui de l’ancien premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau, qui avait une « image iconoclaste de “playboy” et de non-conformiste » (p. 3). Selon l’auteur, la controverse entourant Harper, « qui entraînait un intérêt presque disproportionné » à son égard, s’explique plutôt par un « désaccord idéologique profond avec une grande partie de l’électorat » (p. 3). Boily entend étudier la vision politique de l’ancien premier ministre dans le but de la comprendre, et non pas pour se prononcer en faveur ou en défaveur des actions des conservateurs pendant les années où ils étaient au pouvoir. L’ouvrage repose donc sur l’idée directrice selon laquelle le premier ministre Harper « avait une vision politique forte, articulée autour d’idées et de convictions qui en ont heurté plus d’un et dont les contours demandent toujours à être mieux compris et cernés » (p. 4). Autrement dit, « Stephen Harper n’est pas venu en politique seulement pour être au pouvoir, mais aussi pour changer l’orientation de la politique canadienne » (p. 11). Boily précise l’importance de prendre en considération l’évolution de la pensée et de la vision de ce politicien de carrière et intellectuel conservateur au fil de ses trois mandats. Le contexte politique, les événements imprévus et l’exercice du pouvoir obligent souvent les personnages politiques à adapter leur vision (p. 7). Le premier chapitre, intitulé « Les fondements intellectuels d’une vision politique », démontre que la « pensée de Stephen Harper ne se résume pas à un obscurantisme de droite, comme on se plaît parfois à le croire » (p. 8). Selon Boily, la vision de Harper se situe dans « l’univers intellectuel de la droite », et plus spécifiquement à la rencontre du conservatisme traditionnel et du néolibéralisme (p. 54). Harper est d’avis que l’État canadien doit se positionner en retrait, dans la mesure où il « n’a pas à réguler les mécanismes sociaux, son rôle consistant plutôt à se porter garant des fonctions de sécurité dans un monde dangereux » (p. 54). Par conséquent, sa vision s’inscrivait dans la tendance néoconservatrice, puisqu’elle « renouait avec les grands combats antitotalitaires du passé pour procéder à une réactualisation menant à combattre le terrorisme avec la fermeté de jadis contre le nazisme et le communisme » (p. 54). Harper n’était donc pas un « extrémiste politique et religieux », car il ne partageait pas la vision qui est défendue par un certain nombre de politiciens de l’extrême droite en Europe, voire par certains candidats républicains aux États-Unis, …