Recensions

Samia Amor, Patrice Brodeur, Mohamed Fadil, dir., L’islam. Regards en coin. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015, vii-154 p.[Record]

  • André Couture

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

Une série d’articles relativement courts, introduits par Samia Amor et Mohamad Fadil qui peinent à définir le « projet d’ouvrage collectif » (p. 2) qu’ils se proposent de présenter à un lecteur qui aurait aimé savoir d’où vient le projet qui sous-tend très probablement ce collectif et quel en était l’objectif. Le livre est divisé en trois séries de points de vue, censément ancrés dans la société québécoise, le premier touchant l’islam politique, le second les femmes et l’islam, et le dernier la pensée islamique, le tout sur fonds « de bouillonnement et de controverses autour de l’islam » (ibid.). La première partie du livre est intitulée « L’islam et politique » (p. 5-60). Brahim Kerroumi a choisi d’interroger l’idéologie salafiste en termes de mémoire qui se superpose à d’autres mémoires et finit par dominer le monde musulman actuel. L’auteur convainc aisément son lecteur de la pertinence de sa réflexion, bien que sa présentation des théories concernant la mémoire collective paraisse laborieuse. Sa conclusion sur la maîtrise de cette mémoire collective par les wahhabites est éclairante et mériterait d’être davantage étayée. Mohamed Fadil a écrit un texte bien documenté sur le concept d’islamisme, ses origines possibles, l’oscillation de ces groupes entre radicalisme extrême et diverses formes de déradicalisation, entre échec et expansion, et réfléchit finalement à ce que pourrait vouloir dire la notion de post-islamisme proposée par Olivier Roy. L’article de Wael Saleh (ailleurs dans le livre, ce nom est écrit « Salah ») porte sur l’importance du fiqh politique pour comprendre l’idéologie des Frères musulmans et leur conception de l’État et s’appuie sur une bibliographie impressionnante. Le lecteur est vite convaincu qu’il est urgent de réaliser une véritable histoire de cette organisation fermée (p. 52), de ce mouvement plus diversifié qu’il n’apparaît, et qu’il faut pour cela combiner à l’étude du politique une approche du religieux, en particulier du droit religieux. La deuxième partie du livre touche l’islam et les femmes (p. 60-95). L’article de Carmen Chouinard brosse un portrait des débats actuels autour du féminisme en contexte d’islam, mais sans que l’objectif précis de sa contribution ne soit clairement décelable. On peut se demander s’il suffit de parler d’« approche herméneutique du Coran » (p. 71) pour bien se faire comprendre ; les herméneutiques sont multiples et il aurait été nécessaire de préciser ce que ce terme signifie dans le contexte précis où il est utilisé. S’agit-il d’une « herméneutique théologique traditionaliste » (p. 80) ou d’une herméneutique « textuelle et contextuelle » (p. 90), comme le précise l’article suivant ? Le texte demeure très général et procède davantage par allusions que par développement d’une thématique précise. De son côté, Mounia Ait Kabboura aborde la question de l’interprétation de la polygamie en islam. Un travail bien ciblé, nuancé et dont la conclusion mérite réflexion. La troisième partie du livre est intitulée « Islam au Québec » (p. 99-152). Daniel Proulx, qui poursuit à Louvain un doctorat portant sur la philosophie de l’histoire chez Henry Corbin, réfléchit à la notion de « philosophie islamique ». L’hypothèse qui sous-tend son texte est que les islamistes remplacent « l’effort de réalisation spirituel personnel par un ensemble de règles collectives divines » (p. 112), une pseudo-divinisation qui viderait le sujet de sa capacité à penser et annulerait la philosophie islamique en tant que contrepoids efficace à une sacralisation de la loi islamique (cf. p. 111). Un texte stimulant, mais qui cadre mal avec le titre de cette partie du livre. Dans une contribution originale, Samia Amor étudie les transformations de la fonction de l’imam du contexte de pays à majorité …