EN :

In the twentieth century, records and record players were employed as the media and medium of art and music. These generative practices sought to extend the possibilities for sound production, at times ending in the destruction of both vinyl and turntable—what I call cracked media. This paper will revisit cracked media in the twenty-first century, inquiring into how this (re)interest in vinyl has translated into art and music. I will look to contemporary musicians and artists to contrast practices that encapsulate nostalgia with those that seek to communicate ecological and environmental concerns.

FR :

Au xx^e siècle, on utilisait les disques et les tourne-disques comme média et médium de l’art et de la musique. Avec ces pratiques génératives, on cherchait à étendre les possibilités de production sonore, aboutissant parfois à la destruction du vinyle et de la platine – ce que je nomme cracked media (des médias craquelés). Cet article reviendra sur les cracked media au xxi^e siècle, en s’interrogeant sur la manière dont cet intérêt (ravivé) pour le vinyle s’est traduit dans l’art et dans la musique. Je me tournerai vers des musiciens et des artistes contemporains pour opposer les pratiques qui résument la nostalgie à celles qui cherchent à communiquer des préoccupations écologiques et environnementales.

EN :

Record collectors judge their acquisitions by condition and rarity. Artist Rutherford Chang undermines such norms by seeking as many copies as possible, in whatever state, of one of the best-selling albums of all time: The Beatles (1968), or “the White Album.” After 50+ years, many of the 3 million numbered albums have become worn due to handling but also because of writing and drawing. Since 2013, the artist has accumulated over 3,200 copies—most that are chafed, scribbled upon, stained, or moldy. This article examines Chang’s project and its interrogation of fan appreciation and practices of consumption; the affects of aging and patina; the notion of collaborative creativity; and the role of the artist-curator. In amassing such a diverse array, We Buy White Albums highlights the variability of a mass-produced commodity while demonstrating the effectiveness of an artist-curatorial methodology to raise issues about the life and care of record albums.

FR :

Les collectionneurs de disques jugent leurs acquisitions en fonction de leur état et de leur rareté. L’artiste Rutherford Chang ébranle ces normes en recherchant le plus grand nombre possible d’exemplaires, quel que soit leur état, de l’un des albums les plus vendus de tous les temps : The Beatles (1968), ou l’« Album blanc » (White album). Après plus de 50 ans, bon nombre des 3 millions d’albums numérotés se sont usés par la manipulation, mais aussi par l’écriture et le dessin. Depuis 2013, l’artiste a accumulé plus de 3200 exemplaires, dont la plupart sont abîmés, gribouillés, tachés ou moisis. Cet article examine le projet de Chang et son interrogation à propos de l’appréciation des fans et les pratiques de consommation, les affects du vieillissement et de la patine, la notion de créativité collaborative et le rôle de l’artiste- commissaire. En rassemblant une telle diversité, We Buy White Albums met en évidence la variabilité d’un produit de masse tout en démontrant l’efficacité d’une méthodologie d’artiste-commissaire pour soulever des questions sur la vie et l’entretien des albums.

EN :

This article examines a corpus of American musicals of the 1940s to observe the use made within them of phonograph records. My hypothesis is that, across these films, the phonograph record becomes a key token in the structuring of relationships within narratives. Records function as objects connecting people and places; they become mediators of interpersonal connection and carriers of cultural expression. The article is concerned, in particular, with the gender relations that form around phonograph records, during a period when radio disc jockeys, jukebox operators, and other agents in the world of music were often represented by women characters.

FR :

Cet article examine un corpus de comédies musicales américaines des années 1940 pour observer l’utilisation qui y est faite des disques phonographiques. Mon hypothèse est que, dans ces films, le disque phonographique devient un gage clé dans la structuration des relations au sein des récits. Les enregistrements fonctionnent comme des objets reliant les gens et les lieux ; ils deviennent des médiateurs des liens interpersonnels et des porteurs d’expression culturelle. L’article s’intéresse en particulier aux relations de genre qui se forment autour des disques phonographiques, à une époque où les disc-jockeys de radio, les opérateurs de juke-box et autres agents du monde de la musique étaient souvent représentés par des personnages féminins.

EN :

The Shout (1978), directed by Jerzy Skolimowski, is a horror film that centres upon a man, Charles Crossley, capable of executing a shout so intense that its effects overwhelm those who hear it. As the film’s title suggests, acoustic phenomena are central to the narrative. Another key protagonist, Anthony Fielding, is an avant-garde composer. He experiments with various noises as he makes works of musique concrète. Photographic reproductions of paintings by Francis Bacon are displayed in Fielding’s recording studio and, on one level, symbolize his sources of inspiration. Bacon’s works, however, also inform the mise-en-scène of The Shout, comprising part of the fabric of the film. They are not simple props. In this essay, I will argue that the film’s aesthetic, including its soundtrack and mise-en-scène, should be understood as a form of art writing that imitates elements of Bacon’s aesthetic, an aesthetic I argue is queer and rooted in the artist’s interest in bdsm.

FR :

The Shout (1978), réalisé par Jerzy Skolimowski, est un film d’horreur qui se concentre sur un homme, Charles Crossley, capable d’exécuter un cri si intense que ses effets submergent ceux qui l’entendent. Comme le suggère le titre du film, les phénomènes acoustiques sont au coeur du récit. Un autre protagoniste clé, Anthony Fielding, compositeur d’avant-garde, teste différents bruits en réalisant des oeuvres de musique concrète. Des reproductions photographiques de peintures de Francis Bacon sont exposées dans le studio d’enregistrement de Fielding et symbolisent, d’une part, ses sources d’inspiration. D’autre part, les oeuvres de Bacon informent aussi la mise en scène de The Shout, constituant ainsi une partie du tissu du film – ce ne sont pas de simples accessoires. Dans cet essai, je soutiendrai que l’esthétique du film, incluant sa bande-son et sa mise en scène, doit être comprise comme une forme d’écriture artistique qui imite des éléments de l’esthétique de Bacon, une esthétique que je considère comme queer et enracinée dans l’intérêt de l’artiste pour le bdsm.

FR :

Ce texte analyse deux films de Charles Gagnon réalisés à la fin des années 1960 : Le Huitième Jour, conçu pour le Pavillon chrétien d’Expo 67 à Montréal, et Le Son d’un espace, présenté pour la première fois dans le cadre de la Sixième Biennale de Paris, en 1969. L’étude s’appuie en grande partie sur des sources qui permettent de mieux comprendre les conditions de production et de présentation des films au moment de leur réalisation grâce notamment au Fonds d’archives Charles Gagnon récemment mis à disposition des chercheur·euse·s à Bibliothèque et Archives du Musée des beaux-arts du Canada. L’article se penche plus spécifiquement sur le double rôle de l’archive : d’une part, comme constitutive de la forme et du contenu du cinéma de réemploi (found footage) dans lequel Le Huitième Jour s’inscrit et, d’autre part, comme une façon d’exposer la matérialité filmique dans Le Son d’un espace. La réflexion est traversée par l’hypothèse selon laquelle l’archive rendrait visibles les traces matérielles du film tant au moment de la conception, du montage et de l’enregistrement qu’au moment du visionnement. Examiner ces films en parallèle permet aussi de mettre en évidence que, pour Charles Gagnon, la spécificité du cinéma est déterminée par ses supports à la fois visuel et sonore.

EN :

This article analyses two films by Charles Gagnon produced in the late 1960s: The Eighth Day, made for the Christian Pavilion at Expo 67 in Montreal, and The Sound of Space, initially screened in 1969 at the Sixième Biennale in Paris. The study is based primarily on sources that help improve understanding of the production and presentation conditions of these films at the time of their making, thanks to the Charles Gagnon Fonds recently made available to researchers at the National Gallery of Canada’s Library and Archives. More specifically, the text considers the archive’s dual role: on one hand, as an integral part of the form and content of found footage cinema, in which The Eighth Day is included and, on the other hand, as a way of revealing the cinematic materiality in The Sound of Space. The thinking is informed by the theory that the archive renders the material traces of the film visible as much during conception, editing, and recording, as during viewing. The side-by-side examination of these films also makes it possible to highlight that, for Charles Gagnon, the specificity of cinema is determined by both its visual and its sound mediums.

FR :

À partir d’entretiens menés avec les trois cinéastes français F.J. Ossang, Marc Hurtado et Jacques Perconte à propos de leur culture musicale, respectivement liée au punk, à la musique industrielle et à la musique électronique, ce texte souhaite interroger ce qui se joue et se noue chez ces trois artistes, dans leur rapport vital à la musique et plus particulièrement au bruit, d’une pensée de la spécificité des supports et des technologies des images, au fondement de leur poétique alchimique.

EN :

This article is based on interviews with the French filmmakers F.J. Ossang, Marc Hurtado, and Jacques Perconte about their musical culture, linked respectively to punk, industrial, and electronic music. It aims to question what is at stake for these three artists in their vital relationship to music, and especially to noise, with a thought to the specificity of image mediums and technologies at the very core of their alchemical poetics.

EN :

This is a theoretically driven consideration of the relation between art and the vinyl record that foregrounds the motif of “destruction” in attempting to comprehend this relation. Christian Marclay’s well-known work, Record Without a Cover—designed to be destroyed by individual consumers—serves as the touchstone for a series of reflections on how the aesthetic medium of the cinema has staged the destruction of records (Richard Brook’s Blackboard Jungle), or how sculptures can be fashioned from destroyed records (Jean Shin’s Sound Wave). In all cases, what resists destruction is the spindle hole, a hole that in Marclay’s recent works is given sonic resonance in “the scream” issuing from the mouth, a hole in the face. Drawing on Jacques Lacan’s discussion of “the hole” in psychosis, the essay considers how Marclay’s work operates less as a presentation of aesthetic truth, and more as an aesthetic probing of the politics of art, that is, the ability of aesthetic practice to pose questions about the ideology of an institutionally sanctioned principle of the shiny semblance (schöne Schein). Theodor Adorno’s inversion of Hegel’s “The Whole is the True,” is thus inverted—reversed and destroyed—in turn.

FR :

Cet essai propose une réflexion théorique sur la relation entre l’art et le disque vinyle que l’on tentera de comprendre par la mise en avant du motif de la « destruction ». L’oeuvre bien connue de Christian Marclay, Record Without a Cover, conçue pour être détruite par les consommateurs individuels, sert de point de départ à une série de réflexions sur la manière dont le médium esthétique du cinéma a mis en scène la destruction de disques (Blackboard Jungle de Richard Brooks), ou sur la manière dont des sculptures peuvent être façonnées à partir de disques détruits (Sound Wave de Jean Shin). Dans tous les cas, ce qui résiste à la destruction, c’est le trou de broche, qui, dans les oeuvres récentes de Marclay, trouve une résonance sonore dans « le cri » qui sort de la bouche – un trou dans le visage. S’inspirant de la discussion de Jacques Lacan sur « le trou » dans la psychose, cet essai examine la manière dont l’oeuvre de Marclay fonctionne moins comme une présentation de la vérité esthétique que comme un examen esthétique de la politique de l’art, c’est-à-dire de la capacité de la pratique esthétique à poser des questions sur l’idéologie d’un principe institutionnellement sanctionné du beau semblant (schöne Schein). L’inversion par Theodor Adorno de l’affirmation hégélienne selon laquelle « le vrai est le tout » est ainsi à son tour inversée – renversée et détruite.

EN :

This article examines the complex affects of I am the Medium, a vinyl record artwork and sound installation produced by Georgina Starr, a London-based visual artist affiliated with the second wave of Young British Artists (ybas). This project was exhibited at the Le Confort Moderne in Poitiers, France in 2010. Starr’s limited- edition lp features recordings made during séances in which she participated over the period of a year. Formally, the record is extraordinary in that it is structured in the form of locked grooves, rather than the spiral continuum of conventional vinyl recordings. Each discrete track consists of a 1.8 second phrase that repeats, creating a mantra-like incantation that resonates in the gallery atmosphere. Much in the same way that sound vibrations are captured and replayed on vinyl records, the etheric signatures of spirit entities manifest through mediumistic channeling. Issues of mediumship raised by this work will be situated in relation to Starr’s sound oeuvre, particularly her projects that have deployed paranormal methodologies.

FR :

Cet article examine les affects complexes de I am the Medium, une oeuvre d’art et installation sonore sur disque vinyle produite par Georgina Starr, une artiste visuelle londonienne affiliée à la deuxième vague des Young British Artists (ybas). Ce projet a été exposé au Confort Moderne de Poitiers, en France, en 2010. Le disque en édition limitée de Starr présente des enregistrements réalisés lors de séances auxquelles elle a participé pendant un an. Sur le plan formel, le disque est extraordinaire en ce sens qu’il est structuré sous la forme de sillons fermés, plutôt que sous la forme du continuum en spirale des enregistrements vinyles conventionnels. Chaque piste distincte consiste en une phrase de 1,8 secondes qui se répète, créant une incantation semblable à un mantra qui résonne dans l’atmosphère de la galerie. De la même manière que les vibrations sonores sont capturées et rejouées sur des disques vinyles, les signatures éthériques des entités spirituelles se manifestent par la canalisation médiumnique. Les questions de médiumnité soulevées par cette oeuvre seront mises en relation avec l’oeuvre sonore de Starr, en particulier ses projets qui ont usé de méthodologies paranormales.

FR :

Le 17 septembre 1969, un article publié dans un journal étudiant de l’Iowa expose les grandes lignes d’une rumeur qui court depuis quelques mois : Paul McCartney, le bassiste du groupe The Beatles, serait mort accidentellement quelques années plus tôt et aurait été remplacé par un double. Depuis les années 1970, de nombreux articles et ouvrages ont été consacrés à la frénésie médiatique provoquée par cette rumeur. Certain·e·s chercheur·euse·s en ont fait l’histoire culturelle, en retraçant ses différentes itérations, alors que d’autres ont tenté d’en déterminer les racines anthropologiques ou les ancrages sociologiques. L’auteur propose ici une rétrospective de ce phénomène médiatique et culturel de plus de 50 ans et se penche sur les caractéristiques, sur les qualités et sur l’historicité du disque à microsillons qui permettent de situer son rôle dans la propagation de la théorie « Paul Is Dead ».

EN :

On September 17, 1969, an article published in an Iowa student newspaper outlined a rumour that had been circulating for several months: Paul McCartney, The Beatles’ bassist, was said to have been killed in a car accident a few years earlier and replaced by a lookalike. Since the 1970s, many articles and books have been devoted to the media frenzy caused by this rumour. Some researchers have traced its cultural history, through its various iterations, while others have tried to determine its anthropological roots or sociological anchors. Here, the author offers a retrospective account of this fifty-plus-year-old phenomenon and focusses on the characteristics, qualities, and historicity of lp records that help situate their role in the propagation of the “Paul Is Dead” theory.