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Y-a-t-il une politique européenne d’emploi, de sécurité professionnelle et de dialogue social ? Compte rendu de la Conférence EUROCAP, Nantes, février 2006.[Notice]

  • Hedva Sarfati

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  • Hedva Sarfati
    Consultante AISS, Genève

Telle semble être la question fondamentale qui sous-tend un projet de recherche européen EUROCAP (2002-2005) qui s’est achevé par une conférence, à Nantes, les 9 et 10 février 2006, – près de 200 personnes y participaient (universitaires, représentants de pouvoirs locaux, d’entreprises publiques et de syndicats) – pour en tirer les principales leçons. Ce projet a réuni une équipe pluri-disciplinaire d’une trentaine de chercheurs, économistes, sociologues, juristes du travail, historiens, anthropologues, provenant de sept pays européens : Allemagne, Belgique, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède et Suisse. Le projet portait sur les stratégies de promotion de l’emploi, de prévention des aléas économiques et sociaux, ainsi que de développement local, formulées et mises en oeuvre par différents acteurs – pouvoirs publics à l’échelon national et local, la Commission européenne, les entreprises, les partenaires sociaux. Le projet comportait un volet théorique sur l’approche des capacités, développée par le prix Nobel Amartya Sen, et une série de recherches empiriques des pratiques nationales, locales et d’entreprises vues sous le prisme de cette approche pour évaluer les politiques actuelles de modernisation et de promotion de l’« employabilité » par rapport aux objectifs visés. Ainsi, par exemple, comme le rappelle le coordinateur du projet, l’économiste Robert Salais (École normale supérieure de Cachan), la modernisation du modèle social européen, objectif que poursuit la Commission européenne, devrait améliorer « la capacité collective à agir et à offrir de nouvelles chances à tous », comme l’affirme l’agenda social européen. Or, constate-il, le projet politique européen actuel ne stimule ni l’économie, ni l’emploi et, malgré les déclarations d’intentions louables (par exemple, l’agenda de Lisbonne), il semble dans la réalité être dépourvu d’une identité sociale concrète (voir R. Salais et R. Villeneuve, dir., Développer les capacités des hommes et des territoires en Europe, Lyon, Éditions ANACT, 2006). L’approche par les capacités de Sen met l’accent sur les conditions et les moyens permettant une liberté réelle de choix de vie et de travail aux personnes, notamment en matière d’emploi, de développement de carrière et de sécurité des trajectoires professionnelles. Cette approche, comme l’explique Jean-Michel Bonvin, professeur de sociologie à l’Université de Genève qui a participé au projet, associe trois notions que sont les « ressources », les « capacités » et les « fonctionnements ». Les ressources incluent tous les biens et services (marchands ou non) dont peut disposer une personne pour agir, y compris le droit au travail, à l’éducation, à la négociation collective. Mais la possession de ces ressources ne suffit pas pour garantir à la personne une liberté réelle. Celle-ci suppose des capacités d’utiliser ces ressources dans un contexte social et environnemental donné, pour les transformer en droits réels (« facteurs de conversion »). Enfin, les résultats de l’action dépendent aussi de la manière dont la personne choisit de se comporter effectivement – notion de « fonctionnements » (voir J.-M. Bonvin, « La centralité de la démocratie dans l’approche par les capacités d’Amartya Sen », L’économie politique, juillet-septembre 2005). Il est difficile de résumer les interventions qui en séance plénière ou en ateliers donnaient une idée de l’étendue et de la profondeur des analyses consacrées tour à tour à : la confrontation du concept d’employabilité avec celui de capacités; l’émergence, à côté d’un espace européen unifié par la réglementation et la monnaie unique, de réseaux très étendus de coordination horizontale entre de multiples entreprises et acteurs collectifs publics et privés au niveau local ; l’examen critique des politiques européennes, notamment la stratégie européenne de l’emploi et son influence sur les politiques nationales d’emploi et de protection sociale ; et le rôle de la gouvernance d’entreprise et de sa responsabilité sociale comme …