Chroniques bioéthiques (2)Tales of Bioethics (2)

Sur les sentiers escarpés des montagnes de bioéthiqueÉpisode 2: les brumes du vocabulaireOn steep trails of bioethic. Episode2: in a words haze[Notice]

  • Hervé Chneiweiss

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Ainsi, sur le territoire français tout au moins, la messe est dite et le ban refermé. Après l’examen par le Sénat du projet de révision des lois de bioéthique, le clonage reproductif est un crime contre l’espèce humaine, nouvelle qualification pénale placée au livre II du code civil entre le crime contre l’humanité et les atteintes à la dignité humaine. Ce crime, puni de 20 ans de réclusion, vaut qu’il ait été commis en France ou à l’étranger, et il est imprescriptible durant 30 ans à dater de la majorité de l’enfant cloné. L’horreur que sa simple évocation provoque chez nos gouvernants actuels, et la volonté de faire une loi à valeur « pédagogique », a entraîné dans l’interdit explicite le clonage thérapeutique, qui fait l’objet du nouvel article L.2141-8 du code de la Santé « un embryon humain ne peut être constitué par clonage » et, pour ne laisser aucun doute subsister, il est assorti de 7 ans de prison et 100000 euros d’amende. Enfin, et pour compléter le rappel à l’ordre moral, l’interdiction de principe de toute recherche sur l’embryon conduit nos sénateurs au paradoxe d’une interdiction des recherches sur la procréation médicalement assistée (PMA). Suivant l’avis rendu par le Comité consultatif national d’éthique, l’Assemblée Nationale avait voté en janvier 2002 « qu’aucune nouvelle technique de PMA ne soit mise en oeuvre avant une évaluation préalable ». Cela visait explicitement l’ICSI (intracytoplasmic spermatozoid injection), qui représente aujourd’hui plus de la moitié des fécondations in vitro (FIV), sans avoir été évaluée, et plus généralement à permettre une véritable analyse scientifique des conditions de la fécondation, et des éléments de la « fécondabilité ». Rappelons que depuis le procès de Nuremberg en 1945, l’expérimentation chez l’homme est interdite hors du cadre très précis de la réglementation sur les essais cliniques à bénéfice thérapeutique, et qu’il s’agit là d’une des raisons scientifiques et éthiques les plus sérieuses pour interdire le clonage reproductif. On sait en effet maintenant, à partir des expériences menées chez l’animal, qu’il existe des risques élevés de malformations et d’apparition précoce de maladies habituellement associées au vieillissement. Cette référence au code de Nuremberg et à l’éthique des essais cliniques chez l’homme est également l’argument rationnel présenté par les éditeurs de Nature ou du New England Journal of Medecine pour indiquer qu’ils refuseraient de publier un article portant sur le clonage reproductif qui leur serait soumis. Ils avancent le fait que le protocole scientifique n’aurait probablement pas été présenté à un comité d’éthique au préalable, pré-requis absolu d’une telle recherche. Ce qui ne clôt d’ailleurs pas la polémique, théorique pour l’instant, de savoir si des scientifiques devraient se prêter au jeu de la vérification des allégations des « cloneurs ». Ce même argument aurait dû suffire à nos sénateurs, s’ils avaient connu et compris le fonctionnement de la recherche scientifique. En effet, la simple non-autorisation des recherches sur le transfert nucléaire tel qu’elle figurait dans le texte voté par l’Assemblée Nationale interdisait de facto la publication des résultats d’une éventuelle recherche menée dès lors clandestinement. Qui peut imaginer un scientifique digne de ce nom travaillant sur un sujet dont il ne pourra publier les résultats? Une vive discussion s’était également engagée à Bruxelles, dans le cadre de la définition des projets éligibles au 6e PCRDT, pour savoir si des programmes portant sur le transfert nucléaire pourraient ou non être financés. La conclusion est que de tels programmes sont éligibles si la législation du pays où seraient menées les recherches les autorise. Pour le Sénat français, toute recherche sur la PMA enfreindrait le principe de ne pas …

Parties annexes