Le luxe, instrument de pouvoir dans l’Histoire de Madame la marquise de Pompadour traduite de l’anglais (1759) de Mlle de Falques[Notice]

  • Isabelle Tremblay

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  • Isabelle Tremblay
    Collège militaire royal du Canada

Si dans l’Europe française (1777), Louis-Antoine de Caraccioli soutient que « jadis tout était romain, aujourd’hui tout est français », c’est que la France se démarque et s’impose au siècle des Lumières comme modèle à imiter ou du moins à envier. La politesse et le bon goût jouent un rôle important pour soutenir la réputation de ce royaume puissant. Le luxe et la mode, dont les défenseurs soutiennent qu’ils sont sources de prospérité, contribuent à leur tour à donner l’illusion que « Paris c’est le monde », pour reprendre la réplique d’un personnage de Marivaux. Selon l’Encyclopédie, le luxe adoucit les moeurs, est favorable aux progrès des connaissances et des beaux-arts, augmente la puissance des nations, de même que le bonheur des citoyens. Grâce à l’étendue et à l’éclat qu’il connaît en France, il contribue à légitimer et à magnifier le pouvoir établi, mais surtout à assurer à la France une place de choix au centre de l’Europe cosmopolite des Lumières. Joan Dejean soutient d’ailleurs qu’au xviiie siècle, la « France avait acquis une forme de monopole sur la culture, le style, le luxe, une position qu’elle continue d’occuper ». Sujet de débat économique, politique et moral, le luxe mobilise toutes les disciplines : histoire, politique, théologie, philosophie, morale, économie et littérature. Si l’imaginaire se présente comme le « support du luxe » à l’époque des grandes fêtes royales, à son tour, l’imaginaire du luxe tel qu’il se déploie dans la fiction des Lumières constitue un des supports du rayonnement de la France. C’est pourquoi la présente étude propose de s’interroger sur un texte fort controversé au moment de sa publication en raison de l’éclairage peu favorable qu’il réserve à la cour de Louis XV : l’Histoire de Madame la marquise de Pompadour traduite de l’anglais (1759) de Mlle de Falques. Religieuse défroquée qui passe une grande partie de sa vie à Londres, préceptrice de William Jones junior, orientaliste célèbre, et des filles de Lady Elizabeth Craven, secrétaire et copiste, Mlle de Falques, également connue sous les noms de Mlle de Fauque(s), de Mme de Vaucluse, de Mme de la Cépède(s) et de Mme Starck, est romancière et conteuse. Comprise comme un « pamphlet parfois très violent » exposant les origines de la favorite de Louis XV, l’Histoire de Madame la marquise de Pompadour traduite de l’anglais que l’instance narrative désigne à l’aide du terme « brochure » et qu’un critique contemporain considère comme « la biographie la plus importante de l’époque » a fait l’objet de nombreuses tentatives pour être rachetée et détruite au moment de sa publication. Parce qu’il a tous les traits d’un roman, ce texte, répertorié dans la Bibliographie du genre romanesque français, 1751-1800 (1977), de même que dans la liste de romans et d’histoires à propos des Anglais que compile Josephine Grieder en appendice dans Anglomania in France, 1740-1789 (1985), est considéré comme tel dans le cadre de la présente étude. Alors qu’en 1879, les bibliographes concluaient à une pseudo-traduction, la version française publiée pour la première fois en 1759 est effectivement précédée d’une version anglaise publiée en 1758 de la main de la même auteure. Publié d’abord en anglais, puis en français et ensuite en allemand, le texte est réédité une douzaine de fois jusqu’en 1770, puis un siècle plus tard en 1879. Il faut également noter que les Mémoires pour servir à l’histoire de la marquise de Pompadour traduits de l’anglais sont publiés sans nom d’auteur en 1763 à Londres chez S. Hooper. Bien que cet ouvrage soit parfois attribué à Ange Goudar, le topos de la …

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