Recensions

Pierre-Sylvain Filliozat, À l’origine des études sanscrites. La Grammatica Sanscritica de Jean-François Pons S.J. Étude, édition et traduction. Paris, Éditions de Boccard (coll. « Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres », 56), 2020, 296 p.[Notice]

  • André Couture

…plus d’informations

  • André Couture
    Université Laval, Québec

La grammaire du Père Pons (composée entre 1730 et 1734) est le troisième travail de linguistique sanscrite rédigé par un missionnaire jésuite en Inde après celles des Allemands Heinrich Roth (entre 1654 et 1662) et Johann Ernst Hanxleden (entre 1706 et 1732). La rédaction d’une grammaire et les ébauches de dictionnaire que ces trois jésuites ont réalisées marquent « un pas considérable par rapport à l’information fragmentaire et discontinue » jusque-là accessible. « C’est le passage d’une information recueillie par un voyageur à une réelle activité scientifique », précise d’entrée de jeu P.-S. Filliozat (p. 9). Le fait que l’on puisse considérer l’entreprise du Père Pons et de ses deux confrères allemands comme « fondatrice des études sanscrites » (p. 24) s’explique par une situation historique favorable et une politique missionnaire qui facilitait la rencontre entre des érudits européens et des lettrés indiens. L’esprit de la « République des Lettres », dont on parlait alors et qui était issu de l’humanisme de la Renaissance, a favorisé l’étude en profondeur des cultures orientales et s’est manifesté en des religieux à l’esprit ouvert qui « sont entrés dans la discipline de l’érudition comme on entre en religion » (p. 11). Bruno Neveu a d’ailleurs consacré un ouvrage important à la rencontre de l’érudition et de la religion aux xviie et xviiie siècles, que rappelle à juste titre P.-S. Filliozat et qui permet de mieux apprécier une alliance que d’aucuns pourraient juger incongrue. Neveu cite entre autres un Jean Le Clerc qui parlait en 1699 d’une République des Lettres « devenue un païs de raison et de lumière, et non d’autorité et de foi aveugle, comme elle l’a été trop longtemps », dont le présent ouvrage est également une brillante illustration. Pour mieux faire comprendre le défi de l’entreprise, l’introduction aborde la situation des missionnaires face aux langues de l’Inde : les premières ambiguïtés de conversions ressemblant plutôt à une portugalisation, les préoccupations pédagogiques de François Xavier, l’acharnement des missionnaires à parler la langue de la région où ils se trouvaient, et même la nécessité qu’ont sentie certains d’entre eux de se tourner vers la langue savante des brahmanes lettrés pour mieux comprendre la religion de leurs interlocuteurs. La section I de ce livre (p. 25-47) tente d’établir le contexte historique de l’activité de J.-F. Pons et de fixer les principaux paramètres de sa biographie. Il est entre autres question de sa contribution à la constitution du fonds indien de la Bibliothèque du Roi et des immenses difficultés rencontrées par lui et ses confrères quand ils ont voulu se procurer des copies des Veda. La section II (p. 49-80) est une édition minutieuse de quatre lettres autographes qui nous sont parvenues et d’une cinquième lettre, qui avait été déjà publiée dans les Lettres édifiantes et curieuses (Paris, 1841). Elles sont ici accompagnées d’abondantes notes qui témoignent éloquemment de la grande connaissance de la littérature et de la philosophie indienne que ces missionnaires avaient déjà à cette époque malgré d’évidentes limites. La section III (p. 81-95) est une introduction à la grammaire sanskrite de J.-F. Pons, suivie en section IV d’une édition de la Grammatica Sanscritica qui comprend cinq parties touchant la morphologie (manuscrit BNF « Sanskrit 551 »), rédigée alors que son auteur se trouvait en milieu bengali (Chandernagor), avec traduction de tout ce qui se trouve en latin dans l’original et l’ajout, à titre d’exemples, de certains paradigmes calqués en fait sur les habitudes d’exposé des grammaires latines occidentales. La sixième partie de la grammaire du P. Pons figure à la section V (p. 171-197) : il s’agit d’une syntaxe …

Parties annexes