Comptes rendus bibliographiques

OFFNER, Jean-Marc (2020) Anachronismes urbains. Paris, Presses de Sciences Po, 208 p. (ISBN 978-2-72462-525-7)[Notice]

  • Michel Gariépy

…plus d’informations

  • Michel Gariépy
    Faculté de l’aménagement, Université de Montréal

L’ouvrage s’attaque aux dogmes qui structurent, mais aussi stérilisent l’urbanisme et l’aménagement des territoires depuis une cinquantaine d’années, depuis le début des Trente Glorieuses, en fait. Ces dogmes, que l’auteur Jean-Marc Offner qualifie d’anachronismes urbains, englobent les paradigmes, les schémas cognitifs et aussi les divers outils méthodologiques qui y sont à l’oeuvre. Leur façon de problématiser les situations est obsolète, rivée à la ville, alors qu’elle devrait traiter de l’urbain ; les instruments mènent ainsi à des politiques inadaptées, mal ciblées. Bref, ces dogmes relèvent du mythe. L’auteur est particulièrement bien qualifié pour cette dénonciation : ses productions antérieures se sont fréquemment caractérisées par leur posture réflexive et critique. Je pense ici, entre autres, à son article phare dénonçant le mythe de l’effet structurant du transport (Offner, 1993), à son excellent opuscule sur les plans de déplacements urbains (Offner, 2006). Et après avoir oeuvré pendant de nombreuses années comme chercheur sur les questions d’aménagement et de transport, en particulier comme directeur du laboratoire Techniques Territoires Sociétés (LATTS) de l’École des ponts, l’auteur est plongé depuis une dizaine d’années dans l’intervention, à titre de directeur général de l’agence d’urbanisme Bordeaux-Aquitaine, à titre aussi de président de l’intéressant programme de recherche POPSU (Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines). Sept dogmes sont déconstruits un à un. Le premier, c’est l’accent sur les transports collectifs comme solution aux problèmes de mobilité. Non pas qu’il ne faille pas les prioriser, mais il faut sortir de la lorgnette trop étroite sous laquelle la mobilité est envisagée, avec accent sur la demande, les infrastructures et les innovations technologiques, et avec recours à l’outil inadéquat que sont les enquêtes origine-destination aux catégories trop imprécises et silencieuses sur les distances parcourues. La réflexion doit plutôt se faire en termes de mobilité plurielle, une mobilité faisant appel non seulement aux transports collectifs, mais aussi au transport actif – marche et vélo –, au transport à la demande et à l’autopartage. Une mobilité qui pourrait écrêter les pointes en incorporant des politiques temporelles. Une mobilité, enfin, pour laquelle une nouvelle gouvernance est à inventer. Le second dogme et mythe auquel Offner s’attaque est celui du « tous propriétaires » comme solution aux problèmes du logement. Comme pour la mobilité, le cadrage politique est trop globalisant et les orientations sont peu diversifiées, les objectifs trop quantitatifs. Il faudrait réhabiliter la location. Plutôt que des politiques globales et quantitatives, il faudrait élaborer des solutions plus ciblées territorialement et socialement. Le troisième dogme cloué au pilori nous est bien familier : la lutte contre l’étalement urbain et le gaspillage de l’espace. Non que l’injonction n’ait pas de sens, mais elle s’accompagne d’abord d’un flou dans la définition ; par exemple, s’agit-il de dispersion ou de consolidation ? D’un flou également dans la problématisation et la mesure du phénomène. Ainsi, en France, la perte des terres agricoles serait davantage liée à la déprise de l’agriculture, à leur mise en friche, une situation sans doute pas différente de celle du Québec. Enfin, ce n’est pas tant l’implantation des maisons individuelles en elle-même qu’il faudrait encadrer, mais leur implantation diffuse, les parcellisations incontrôlées du foncier. Pourtant, les politiques restent aveuglées par la dichotomie ville – campagne ; avec la densification au coeur du développement durable, la pensée magique devient le refuge. Or, plutôt que dans la dichotomie et l’injonction totalitaire, la solution est davantage à rechercher du côté d’interventions contextualisées, adaptées et basées sur une analyse rigoureuse, sur un urbanisme du résidentiel. Les trois mythes suivants déboulonnés par Offner sont ceux de la mixité résidentielle (chap. IV) puis du localisme (chap. V) et, enfin, du territoire …

Parties annexes