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Jacques Rouillard, Aux origines de la social-démocratie québécoise : le Conseil des métiers et du travail de Montréal (1897-1930), Saint-Joseph-du-Lac (Québec), M éditeur, 2020, 223 p.[Notice]

  • Bernard Dionne

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  • Bernard Dionne
    Historien, consultant en éducation postsecondaire

Professeur émérite au département d’histoire de l’Université de Montréal et lauréat du prestigieux prix Gérard-Parizeau pour sa contribution à l’histoire économique et sociale du Québec, Jacques Rouillard livre ici une importante synthèse de la contribution du Conseil des métiers et du travail de Montréal (CMTM) au développement d’une social-démocratie québécoise dans le premier tiers du vingtième siècle. Bien connu pour son opposition à une certaine histoire convenue selon laquelle le Québec d’avant les années 1950-60 « vivait sous l’emprise cléricale et était réfractaire à l’industrialisation et à la modernité » (p. 209), l’auteur d’une magistrale histoire du syndicalisme québécois veut montrer au contraire que, à l’instar des sociétés nord-américaines, le Québec a vu naître une idéologie sociale-démocrate bien avant la « Révolution tranquille » et que les syndicats internationaux et le CMTM, en particulier, en ont été les influents promoteurs. L’ouvrage est divisé en huit chapitres. Les deux premiers abordent la naissance (1897) et le développement du CMTM, son fonctionnement et le rôle dominant du Conseil dans la vie politique et sociale de la métropole et du Québec tout entier. Le CMTM a joué ce rôle en raison de ses effectifs imposants (42 000 membres en 1921) et de sa pénétration dans tous les secteurs de l’activité économique montréalaise, et ce en l’absence d’une organisation provinciale des travailleurs membres des syndicats internationaux ; la création de la Fédération provinciale des travailleurs du Québec (FPTQ), en 1937, viendra en partie combler ce vide. D’entrée de jeu, Rouillard prend bien soin de définir la social-démocratie telle qu’elle s’applique au Canada anglais, avec l’expérience de la Cooperative Commonwealth Federation (CCF), inspirée par le travaillisme britannique, et au Québec, avec les réformes mises en place par le gouvernement libéral d’Adélard Godbout (1939-1944). Ces dernières sont vues comme l’aboutissement, entre autres, de l’engagement des syndicats internationaux pour ces réformes entre 1900 et 1940. Le chapitre 2 présente quelques-uns des principaux dirigeants du Conseil, les Joseph-Alphonse Rodier, typographe et chroniqueur ouvrier à La Presse et à La Patrie, Joseph Ainey, charpentier-menuisier et candidat pour le Parti ouvrier, Gustave Francq, typographe, également fondateur, en 1916, du journal Le Monde ouvrier (aujourd’hui organe de la Fédération des travailleurs du Québec) et John Thomas Foster, machiniste et président du Conseil de 1912 à 1934. C’est dans ce chapitre que le rôle du Conseil en matière d’éducation et de représentation de la classe ouvrière auprès des gouvernements est campé. Que ce soit lors des rencontres annuelles avec le gouvernement québécois, lors de la fête du Travail du premier lundi de septembre, qui voit défiler entre 10 000 et 30 000 travailleurs dans les rues de Montréal de 1900 à 1930, ou lors des campagnes d’appui au Parti ouvrier, le CMTM s’affirme comme la force dominante dans la vie syndicale à Montréal et pour l’ensemble de la province (p. 75). Les six chapitres thématiques suivants présentent les revendications et les actions du Conseil. Les revendications démocratiques (chapitre 3) englobent la défense et l’élargissement de la démocratie libérale (extension du suffrage universel, abolition du suffrage censitaire à Montréal, droit de vote des femmes, abolition du sénat, protection des libertés individuelles, liberté de presse, de parole et de manifestation, etc.) et le combat contre le nationalisme canadien-français conservateur et le cléricalisme qui le soutient. Mobilisé contre la création des syndicats catholiques (qui divise les travailleurs sur des bases confessionnelles), le Conseil en vient toutefois à négliger l’appartenance nationale des ouvriers canadiens-français et à rejeter les revendications légitimes sur l’octroi d’un jour férié pour la Saint-Jean-Baptiste et sur la reconnaissance du français dans les institutions fédérales. Rouillard reprend ses propres travaux et ceux …

Parties annexes