Comptes rendus

Jacinthe Harbec et Marie-Noëlle Lavoie (dir.), Darius Milhaud, compositeur et expérimentateur, Paris, Vrin, 2014 (coll. « MusicologieS »), 288 p. ISBN 978-2-7116-2527-7[Record]

  • Andrew Wilson

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  • Andrew Wilson
    Doctorant en musicologie, Université de Bâle, Musikwissenschaftliches Seminar der Universität Basel

L’ouvrage collectif ici recensé, est indéniablement une contribution majeure à l’étude contemporaine de l’oeuvre de Darius Milhaud. Bien que défini comme une publication répondant non seulement aux attentes des musicologues mais s’adressant aussi « à toutes les personnes qui s’intéressent à la musique » (p. 6), l’ouvrage, de par son hétérogénéité et la spécificité de ses chapitres, semble s’adresser de prime abord à un public spécialisé. Regroupés en trois sections, « La figure de l’expérimentateur », « Le compositeur et ses contemporains » et « Le contexte des années trente : nouveaux enjeux politiques et esthétiques », les onze chapitres sont essentiellement des textes indépendants. Signés par des auteur(e)s reconnu(e)s pour leurs recherches sur le compositeur français ainsi que sur la musique française du xxe siècle, ces chapitres forment une constellation d’articles centrés sur Milhaud et apparentés à la musicologie historique, à la musicologie analytique ainsi qu’à la présentation de documents d’archives. Dans son ensemble, cette édition de Jacinthe Harbec et Marie-Noëlle Lavoie suit la tendance actuelle en musicologie, s’efforçant de maintenir une distance objective envers certaines sources primaires et secondaires, une approche bienvenue dans la recherche milhaldienne qui, par le passé, était parfois plus proche du commentaire hagiographique que de l’information biographique ou purement analytique. Néanmoins, on aurait pu imaginer dans certains chapitres des prises de positions encore plus ouvertement critiques envers certaines de ces sources qui, bien qu’essentielles, sont rarement impartiales. On aurait également pu souhaiter, particulièrement dans la section dédiée aux années trente, des articles prenant en considération un contexte musical plus global. Pascal Lécroart, dans le premier chapitre, intitulé « Milhaud et l’expérimentation vocale : Un innovateur malgré lui », explore l’expérimentation vocale de Milhaud, dont Les Choéphores (1915) est l’un des premiers exemples. Ces innovations sont décrites comme le résultat de son travail avec Paul Claudel plutôt qu’une recherche expressive propre au compositeur. Dans « Le code Milhaud : Primitivisme et symétrie » (chapitre 2), Jacinthe Harbec cherche à démontrer « comment la notion de symétrie » caractérise L’Homme et son désir (1921), La Création du monde (1923) et Cantate pour l’inauguration du Musée de l’Homme (1937), trois compositions dont le dénominateur commun est « la thématique de l’Homme primitif » (p. 42). Le troisième chapitre, « Retour au point de départ ? Les dernières oeuvres de musique de chambre de Milhaud et la notion de “tardivité” », de Deborah Mawer, est une traduction révisée et augmentée d’un article de 2008 paru dans The Musical Times. Dans ce texte, Mawer montre comment, chez Milhaud, « la force de ses premières convictions » (p. 87) demeure également présente dans ses oeuvres tardives. Jens Rosteck, dans « Le portrait urbain dans la musique instrumentale de Milhaud » (chapitre 4), analyse brièvement divers exemples de compositions « topographiques », tels que Aspen Serenade (1957), qui sont, selon l’auteur, moins des illustrations géographiques qu’un prétexte pour de nouvelles expérimentations musicales (p. 97). La deuxième partie du livre (intitulée « Le compositeur et ses contemporains ») se réfère principalement aux années 1910-1920. Le premier texte – « Autour d’une correspondance Milhaud-Guerra (1917-1921) » par Manoel Corrêa do Lago et Bernard Guerra (chapitre 5) – se révèle une mine d’informations concernant les activités de Milhaud au Brésil, dont certaines, inédites, proviennent de collections privées et publiques brésiliennes (voir p. 102, n. 3). L’article présente un compte rendu détaillé du séjour de Milhaud au Brésil (1917-1918), de son amitié avec Oswaldo Guerra (1892-1990) et son épouse Nininha Leao Veloso-Guerra, de son engagement dans la promotion de la musique du compositeur brésilien Glauco Velásquez (1884-1914), de ses activités en tant qu’instrumentiste …