RecensionsBook Reviews

Self-Employed Workers Organize : Law, Policy and Unions, par Cynthia Cranford, Judy Fudge, Eric Tucker et Leah F. Vosko, Montréal et Kingston : McGill-Queen’s University Press, 2005, 265 p., ISBN-10 : 0-7735-2872-5.[Record]

  • Guylaine Vallée

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  • Guylaine Vallée
    Université de Montréal

Cet ouvrage est le fruit du travail d’une équipe de chercheurs qui s’intéressent depuis plusieurs années à la situation des travailleurs atypiques et à leur déficit de protection en droit du travail. Il s’inscrit dans la suite de leurs travaux même s’il porte sur un objet beaucoup plus circonscrit : la situation particulière des travailleurs autonomes (self-employed workers), c’est-à-dire de travailleurs qui fournissent personnellement une prestation de travail moyennant une rémunération dans des conditions telles qu’ils ne sont pas considérés d’emblée comme des salariés (ou employés) pouvant bénéficier des lois du travail. Les auteurs étudient les difficultés que rencontrent ces travailleurs lorsqu’ils souhaitent être représentés collectivement et bénéficier de la négociation collective. L’introduction de l’ouvrage campe la problématique des travailleurs autonomes dans une perspective large, à la fois sociologique, statistique et juridique (p. 3-28). Tant les analyses sociologiques que statistiques démontrent l’hétérogénéité des situations de travail qui sont regroupées sous le vocable de travail autonome. Plusieurs travailleurs autonomes ne disposent pas, en fait, d’un contrôle des procédés de production et de possibilités réelles d’accumulation de capital caractéristiques de l’entrepreneurship. Il existe de plus des types de travail autonome selon qu’il soit réalisé par une personne seule pour son propre compte ou selon qu’il implique aussi l’embauche d’autres employés. Les auteurs notent une nette différenciation quant aux niveaux de revenu associés à ces types et quant aux caractéristiques personnelles des travailleurs, les formes les plus précaires étant occupées par des femmes et des immigrants. Face à cette hétérogénéité des situations de travail autonome, le droit du travail continue d’opposer une logique binaire pour déterminer l’accès aux droits de représentation et de négociation collectives : ou bien les travailleurs autonomes se voient reconnaître un statut de salarié ou d’employé et peuvent accéder à la représentation et à la négociation collectives, ou bien ils sont considérés comme des entrepreneurs oeuvrant librement dans le marché des produits et services où le principe de la libre-concurrence est la norme, ce qui vient limiter singulièrement leurs possibilités de créer des coalitions et des regroupements. La grande force de l’ouvrage est d’illustrer empiriquement, par quatre études de cas qui constituent les quatre chapitres au coeur de l’ouvrage, que le seul élargissement du champ d’application des lois régissant les rapports collectifs du travail pour y inclure certains travailleurs autonomes ne saurait suffire à leur garantir un véritable droit de représentation et de négociation collectives puisque c’est le régime actuel de rapports collectifs de travail qui est structurellement inadapté à leur situation. Ce constat ressort de l’étude de cas réalisée par Eric Tucker, présentée au chapitre I, qui porte sur la tentative d’organisation syndicale des distributeurs à domicile du journal Toronto Star et, de manière générale sur les tentatives de syndicalisation des distributeurs de journaux au Canada et aux États-Unis (p. 29-55). Ce premier cas montre que la dure bataille menée par ces travailleurs pour obtenir le statut d’employé ne leur a pas permis de profiter d’une représentation collective durable. Il en est ainsi parce que les règles existantes n’encadrent pas significativement le droit de l’employeur de restructurer ses activités, droit qui a pris la forme, dans ce cas, d’une externalisation des services de livraison à domicile à des sous-traitants. L’étude de cas réalisée par Judy Fudge, présentée au chapitre II, relate les campagnes d’organisation syndicale des facteurs ruraux de Postes Canada (p. 56-95). Ce cas illustre notamment les importantes ressources institutionnelles et la variété des stratégies qui ont dû être mobilisées par le syndicat pour obtenir la reconnaissance du statut de salarié de ces travailleurs et sa propre reconnaissance comme agent négociateur. Le chapitre …