Des pratiques à notre image

Une histoire à la fois : intervention individuelle auprès de nouveaux arrivants en situation de vulnérabilité. Un récit descriptif et réflexif[Record]

  • Sara Youbi

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  • Sara Youbi
    Travailleuse sociale

Passionnée de justice sociale et impliquée dans diverses communautés depuis une douzaine d’années, je constate à chaque fois, un peu plus, les ravages des inégalités sociales sur la santé physique, mentale et spirituelle des êtres humains. Les inégalités socioéconomiques constituent un réel enjeu de santé publique. Avec l’approche anti-oppressive en psychothérapie qu’utilisent un nombre grandissant de travailleurs sociaux, ces derniers se retrouvent aux premières lignes pour en témoigner et agir pour contrer ces inégalités. Ravon et coll. (2008) soulevaient le décalage entre les valeurs de justice sociale des T.S. fraichement sortis des écoles et les milieux de pratique pour expliquer l’épuisement des professionnels. Cette explication a le mérite de nous éloigner des discours « martyrisant » ou « psychiatrisant » de la profession, en plus de nous inviter à reconceptualiser la notion de loyauté vis-à-vis de notre employeur. Si les intervenantes sociales restent et valsent avec les aléas du travail communautaire, ce n’est pas parce qu’elles/ils sont plus gentil.le.s ou fait.e.s plus fort.e.s. C’est plutôt qu’elles/ils sont dans des milieux dont les gestionnaires reconnaissent et comprennent l’oppression structurelle. Faisant écho à Ravon et coll. (2008) lorsque les principes et actions d’un organisme sont chapeautés par la Justice sociale et que lignes directrices pour la pratique vont dans le même sens, les travailleuses et travailleurs sont légitimé.e.s dans leurs actes de résistance et de solidarité. Nous sentir écouté.e, accepté.e et apprécié.e dans ce que nous croyons et défendons n’est pas seulement important pour les gens que nous accompagnons, mais c’est aussi vital pour notre sentiment de satisfaction au travail. La gestionnaire de l’unité familiale du groupe de thérapie pour lequel je travaille (et que j’ai eu la chance d’avoir pour mentor clinique) est une travailleuse sociale de formation, tout comme la fondatrice de l’ensemble des programmes de thérapie de mon organisme. Une vision simple : rendre accessible la psychothérapie pour les populations les plus vulnérables de la vile d’Ottawa, une vision qui trouve ses racines dans la justice sociale. En tant que de travailleuse sociale « nouvelle génération », j’ai « magasiné » l’organisme ou j’allais « vendre » mes services à mes « clients », à savoir les gens que j’accompagnerais. Cette liberté, legs du monde capitaliste dans lequel nous vivons, constitue mon moyen premier de résistance : choisir l’organisation en fonction de la complémentarité entre les valeurs de justice sociale qui me sont chères et les valeurs dominantes de l’organisation et les personnes qui la composent. Dans ce nouveau rapport à l’emploi, je considère que le changement social est mon employeur, le réel indicateur de performance de ma pratique. C’est dans cette perspective que la jeune travailleuse sociale que je suis est tout bonnement tombée en amour avec l’approche narrative (liée au constructivisme) en thérapie. Cette approche et ses outils me permettent de pratiquer la psychothérapie tout en continuant d’honorer les principes de justice sociale et de résister aux discours dominants qui tendent à l’individualisation des problématiques sociales. Mon immersion dans le monde professionnel m’aura appris que les valeurs de justice sociale peuvent et doivent constituer un levier important de l’intervention individuelle et guider la pratique de la psychothérapie, de manière à modifier les rapports de force à l’oeuvre. J’occupe aujourd’hui un poste de psychothérapeute communautaire au sein du programme RVN (refugees and vulnerables new comers) a JFS (Jewish family services Ottawa). Mon poste est entièrement subventionné par le ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Le service de thérapie/conseil en santé mentale est plurilingue et entièrement gratuit pour les usagers. Cette réflexion se veut donc représenter le point de vue d’une praticienne travailleuse sociale clinique auprès de personnes en …

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