Recensions

Palaces for the People : How Social Infrastructure Can Help Fight Inequality, Polarization, and the Decline of Civic Life, d’Eric Klinenberg, New York, Crown, 2018, 277 p.[Record]

  • Emanuel Guay and
  • Alessandro Drago

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Notre époque nous met face à plusieurs défis importants, de l’augmentation des inégalités socioéconomiques aux changements climatiques en passant par la baisse de l’engagement civique et politique dans la plupart des démocraties libérales avancées. Les sciences sociales peuvent nous aider à affronter ces défis en proposant des concepts qui permettent à la fois de mieux comprendre les enjeux contemporains et d’identifier des pistes de solution adaptées aux contextes et aux besoins locaux. Le sociologue Eric Klinenberg s’est prêté à un tel exercice dans son ouvrage Palaces for the People : How Social Infrastructure Can Help Fight Inequality, Polarization, and the Decline of Civic Life, qui se concentre sur la question des infrastructures sociales. Ces dernières désignent les conditions physiques et logistiques (les espaces, les services, la programmation, et ainsi de suite) qui favorisent l’émergence et l’entretien des liens sociaux (p. 5). Les infrastructures sociales peuvent prendre de nombreuses formes, allant des bibliothèques aux terrains de jeu en passant par les lieux de culte, les espaces publics, les transports en commun, les trottoirs et les cafés, parmi bien d’autres exemples. Klinenberg soutient que de telles infrastructures facilitent les interactions répétées entre des personnes issues d’une grande variété de milieux, ce qui encourage l’acceptation des différences, l’échange d’informations et le développement d’une confiance mutuelle. Le concept d’infrastructure sociale nous invite ainsi à prendre en compte le rôle joué par l’organisation de l’espace dans l’émergence de liens et d’intérêts partagés et, par extension, la cohésion sociale et la résolution des problèmes collectifs (p. 9-11). Klinenberg analyse dans son ouvrage les bienfaits associés aux infrastructures sociales à partir d’observations collectées dans plusieurs environnements différents. Le sociologue souligne par exemple que les bibliothèques sont un type d’infrastructure sociale particulièrement important, puisqu’elles accueillent tout le monde sans condition préalable, contrairement aux espaces commerciaux où l’on doit être un client ou une cliente (et donc payer un montant plus ou moins élevé) pour pouvoir participer aux activités qui s’y déroulent (p. 38). Par ailleurs, la réhabilitation d’immeubles abandonnés à des fins communautaires permet de réduire le taux de criminalité dans un quartier sans recourir à des mesures qui ciblent des personnes ou des communautés considérées comme « criminogènes » et qui sont alors soumises à différentes formes de profilage et de discrimination (p. 59-60). Les écoles sont présentées par Klinenberg à la fois comme des espaces privilégiés pour acquérir de nouvelles connaissances et des lieux encourageant le développement d’une culture civique, par l’entremise de laquelle nous apprenons à interagir avec des personnes qui ne nous ressemblent pas (p. 86). L’agriculture urbaine et les jardins communautaires peuvent jouer au moins trois rôles cruciaux dans un quartier : ils contribuent à son verdissement, ils renforcent la sécurité alimentaire et ils offrent des espaces de socialisation intergénérationnelle qui favorisent la cohésion sociale (p. 126-128). Les infrastructures physiques qui aident à s’adapter aux changements climatiques – par exemple, les murs de protection et les digues pour conjuguer avec la montée des eaux – peuvent comprendre des parcs ou d’autres espaces publics qui facilitent l’émergence de réseaux informels de soutien, ces derniers s’avérant décisifs lorsque des événements météorologiques extrêmes (canicule, vague de froid, feu de forêt, pluie torrentielle, sécheresse, cyclone, tempête, etc.) s’abattent sur une ville ou une région (p. 187). Les infrastructures sociales permettent d’interagir avec des personnes qui proviennent de milieux différents et qui vivent des réalités distinctes des nôtres, ce qui encourage le respect de la diversité et nous pousse à chercher des points communs avec ceux et celles qui ne partagent pas nos opinions ou qui ont d’autres manières de mener leur vie (p. 43). Elles contribuent …