Recensions hors thème

Le fédéralisme selon Harper : La place du Québec dans le Canada conservateur, sous la dir. de Julian Castro-Réa et Frédéric Boily, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, 238 p.[Record]

  • Francis Moreault

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L’ouvrage, placé sous la direction de Julian Castro-Réa et de Frédéric Boily, constitue un examen minutieux des politiques (publiques, étrangères, identitaires, etc.) et de l’idéologie du mouvement politique conservateur qui s’est développé au Canada depuis l’ère de John Diefenbaker, mais principalement depuis la prise du pouvoir par les troupes de Stephen Harper en 2006. Divisé en trois parties et comprenant neuf chapitres, ce livre s’efforce d’explorer, en premier lieu, la politique étrangère et la politique de défense des conservateurs, puis, dans un deuxième temps, les rapports entre le Québec et le gouvernement Harper à l’égard tant de la question identitaire que du problème de la péréquation et, finalement, les politiques publiques qui touchent les domaines de la santé et de l’immigration, sans omettre les rapports passablement houleux entre l’ancien premier ministre du Canada et la presse canadienne. En un mot, ce collectif répond à la question suivante : Quelle est la vision de Harper du fédéralisme ? Trevor W. Harrison propose, dans le premier chapitre, une synthèse rigoureuse de l’évolution des gouvernements conservateurs qui ont largement dirigé et dominé la province de l’Alberta. Du Crédit social (1935-1971) en passant par le Parti conservateur (1971-2014), l’empreinte politique du conservatisme albertain est indéniable : tirer profit de l’exploitation du pétrole, conserver un État peu socialisé et promouvoir les initiatives individuelles. Concernant le rapport entre la province albertaine et le Québec, l’auteur souligne que ces deux entités fédérées partagent un point commun, c’est-à-dire la volonté de maintenir un Canada décentralisé et un désir farouche de préserver leur autonomie respective dans leurs champs de compétence. Néanmoins, Harrison estime que le refus de la reconnaissance de la spécificité québécoise limite les rapports entre les deux provinces canadiennes. Dans le second chapitre, Castro-Réa examine les relations entre le Canada et les États-Unis. Il démontre, fort pertinemment, le rapprochement opéré, depuis le 11 septembre 2001, entre le gouvernement de Harper et les politiques sécuritaires de Washington. On pense ici au renforcement commun de la frontière canado-américaine, à l’implication des Forces armées canadiennes dans la guerre en Afghanistan et au contrôle accru de l’information sensible tant par les États-Unis que le Canada. Bien que les sujets de discorde entre Barack Obama et Stephen Harper soient nombreux, l’auteur tient surtout à démontrer les affinités idéologiques qui existent entre la droite albertaine et la droite américaine. Dans quelle mesure Harper s’est-il dissocié de la tradition libérale dans le domaine des politiques étrangères et de défense du Canada ? Telle est la question centrale à laquelle Philippe Lagassé, Justin Massie et Stéphane Roussel tentent de répondre (chap. 3). Pour ces derniers, la politique extérieure des libéraux s’inscrivait dans le courant de ce qu’ils appellent « l’internationalisme libéral ». Nonobstant la polysémie de ce terme, ils le caractérisent de la façon suivante : l’acceptation que le Canada constitue une puissance moyenne ; une contribution à édifier la paix internationale en collaboration avec les autres instances étatiques ; et la promotion des valeurs libérales (démocratie, marché libre, etc.). Aux yeux des auteurs, la politique étrangère de Harper se démarque quelque peu de celle des libéraux. Ils sont d’avis que le gouvernement conservateur insiste principalement sur « l’importance d’adopter une politique fondée sur la clarté morale » (p. 67), dans le sens où ils veulent identifier clairement les acteurs qui menacent la démocratie occidentale (l’État islamique, les mouvements terroristes, etc.) et les annihiler. Il s’ensuit que le gouvernement conservateur est peu disposé à s’appuyer sur les institutions internationales pour contrer ces menaces, car les instances de l’Organisation des Nations Unies sont, selon Harper, trop nombreuses et trop submergées par les normes administratives pour être …