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En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic. Antonio Casilli, Seuil, Paris (Collection La couleur des idées), 2019[Record]

  • Dominique Besson

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  • Dominique Besson
    IAE, Université de Lille, ULR 4999 - LUMEN, F-59000 Lille, France; & Faculty of Engineering Management, Poznan University of Technology, Poznan, Pologne

L’ouvrage En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic est une imposante synthèse critique de Antonio Casilli sur la disruption numérique qui serait provoquée par la diffusion accélérée des progrès de l’intelligence artificielle (IA). L’auteur est sociologue, enseignant-chercheur à Télécom ParisTech et chercheur associé au laboratoire LACI-HAC de l’AHESS de Paris. L’ouvrage, développé à partir de la thèse d’HDR de son auteur, a été publié en 2019 aux éditions du Seuil, avec une postface de Dominique Méda (Professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine). C’est un travail de grande ampleur par la diversité des thèmes qu’il apporte et sa volonté de complétude sur la question. En ces temps où UBER fait l’objet non seulement de polémiques mais aussi de décisions judicaires contradictoires, voire engendre de nouveaux statuts entre salariat et travail à son compte (qu’on les appelle les « ubérisés », freelancers ou auto-entrepreneurs), comme le montrent les décisions récentes en Grande-Bretagne ou en Californie, les questions abordées par A. Casilli sont centrales pour les enjeux, dans un futur de plus en plus proche, des activités de travail et de production. Enjeux pour les pays dits développés à économie de marché (PDEM) comme pour les pays émergents : le thème de la disruption numérique, et plus généralement de la nouvelle économie, relève d’un enjeu proprement mondial – fortement lié, justement, aux dimensions numériques émergentes dans le travail et la production, comme le montre Casilli. La thèse principale de Casilli, explicite dans son titre « jeu de mots » : En attendant les robots, enquête sur le travail du clic., peut être résumée par deux citations éclairantes : « Si la seule fonction effective du digital labor réside (…) dans la tâcheronnisation du travail humain plutôt que dans la réalisation de systèmes intelligents véritablement autonomes, c’est que cette dernière est une impossibilité logique. (...) Car l’intelligence humaine dont on voudrait que les machines reproduisent les capacités n’est ni un processus immuable ni une entité univoque. Elle se transforme, s’adapte à de nouvelles pratiques, et sa réplique artificielle a donc besoin de mises à jour perpétuelles que, pour l’heure comme à l’avenir, seul des humains sont et seront à même d’opérer. » (p.301) « Tâcheronnisation et datafication occupent, dans le contexte de l’IA, la même place que le séquençage et le chronométrage des tâches pour le taylorisme : non pas des innovations techniques majeures, mais une sophistication de la division capitaliste du travail visant à contrôler une main-d’oeuvre constamment décrite comme oisive, insouciante et potentiellement récalcitrante. » (p.293) L’ouvrage commence par une petite histoire, un exemple donné en introduction : celle d’un stagiaire qui entre dans une entreprise où il est affiché aux clients que c’est un algorithme d’IA qui travaille automatiquement et de manière autonome… Et le stagiaire découvre très vite qu’en fait ce sont surtout des personnes qui font le travail manuellement, à l’étranger, à Madagascar : les« petites mains de l’intelligence artificielle » comme le dit Casilli par une de ses expressions caractéristiques. Cet exemple est, pour l’auteur, représentatif de l’illusion, voire même de la manipulation, de la digitalisation et de l’imposture que représente selon lui la croyance dans une révolution par l’Intelligence artificielle. L’auteur s’attache à démontrer, et approfondir, ces propositions, par un examen approfondi, touffu, et au fond peu synthétique, des multiples facettes de la soi-disant disruption numérique, tout au long de 393 pages (320 notes non comprises : les notes de bas de page constituent en effet à elles seules plus de 60 pages). Le plan global de l’ouvrage est solidement charpenté. Il analyse dans une première partie le sens et les manifestations de …

Appendices

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