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Lederer, Marianne et Stratford, Madeleine, dir. (2020) : Culture et traduction. Au-delà des mots. Paris : Classiques Garnier, 197 p.[Record]

  • Véronique Bohn

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  • Véronique Bohn
    Université de Montréal, Montréal, Canada

Lorsque le lecteur prend pour la première fois l’ouvrage collectif dans les mains, il lui est difficile de savoir ce qui l’attend exactement. Le thème annoncé par le titre, Culture et traduction, est vaste. Très vaste. Le large éventail des problématiques potentiellement abordées semble d’ailleurs en porte-à-faux avec l’épaisseur de l’ouvrage, qui s’étend sur un peu moins de deux cents pages. C’est que, comme résumé à la fin de l’introduction, le but est d’offrir non pas un exposé exhaustif de la question, mais « un panorama certes partiel, mais contrasté, des divers points de vue traductologiques sous lesquels est étudiée aujourd’hui la vaste problématique de la traduction de la culture » (p. 14). Les contributions sont réparties en quatre grandes sections : « Faits culturels », « Questions de genre », « Postcolonialisme » et « Hybridation ». Le premier texte, signé par Marianne Lederer et intitulé « La culture, pierre angulaire du traduire », permet d’entamer le sujet par une réflexion générale sur la traduction du culturel. L’auteure rappelle notamment qu’un texte ne contient jamais une culture entière mais qu’il présente des éléments de cette culture. Du reste, le culturel n’affleure pas seulement dans les textes littéraires mais également dans tous types de texte, et il peut se concrétiser linguistiquement tant par des termes que par des structures, des argumentations, etc. Par ailleurs, il est possible de dissocier la langue et la culture, ce qui est en ligne avec l’étape de déverbalisation postulée par la théorie interprétative de la traduction. Finalement, Marianne Lederer suggère que les éléments culturels doivent être traités en fonction du contexte (ici textuel) et de la finalité de la traduction. Dans l’article « La traduction de la métaphore comme acte de médiation culturelle », Isabelle Collombat se penche plus particulièrement sur la manifestation du culturel par le biais des métaphores. Elle pose que la métaphore ne se réduit pas à un artifice esthétique : elle a un rôle cognitif et permet de faire sens du monde et de transmettre des savoirs, notamment dans les textes de vulgarisation scientifique. Partant, traduire des métaphores, c’est gérer une double interaction : une interaction interlinguale et une interaction intralinguale (la métaphore pouvant être conçue comme la rencontre entre deux systèmes). Pour illustrer cette dimension particulière de la métaphore, Isabelle Collombat présente certains résultats d’une analyse qui a été effectuée sur un corpus constitué des versions anglaise et française de numéros de Pour la science / Scientific American et de enRoute (une publication d’Air Canada). Les métaphores font également l’objet de la contribution suivante, intitulée « La traduction du culturel vue à la lumière du conceptuel ». Toutefois, l’auteure, Antin Fougner Rydning, adopte ici une approche différente. S’appuyant sur la théorie de la métaphore et de la métonymie conceptuelle ainsi que sur la théorie de l’intégration conceptuelle, elle se penche sur les mécanismes cognitifs à l’oeuvre lors de la construction (et reconstruction) du sens. Pour ce faire, elle a mis en place une étude expérimentale, au cours de laquelle elle a demandé à trois traducteurs de proposer une version norvégienne d’un article de presse en français et a récolté des données grâce à des protocoles de verbalisation (think-aloud protocols) et à l’enregistrement des claviers (Translog). Elle montre ainsi qu’une approche cognitive contribue à une meilleure compréhension de la construction du sens lors de la traduction d’expressions culturellement marquées. La deuxième partie de l’ouvrage, qui traite des « questions de genre », est composée de deux articles. Dans le premier, « Traduction et canon littéraire. La généalogie féminine de Maria-Mercè Marçal », Caterina Riba nous invite à une plongée dans …