Santé et salut chez Paul TillichLiminaire[Record]

  • Marc Dumas

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  • Marc Dumas
    Centre d’études du religieux contemporain, Université de Sherbrooke

Comment réfléchir dans une plus large perspective aux notions de santé et de vie, à celles de guérison des personnes et de la planète ? Dans notre contexte actuel où le salut est souvent sécularisé, comment remettre en jeu une compréhension audacieuse du salut, notion chrétienne appelant à la santé de nos corps, mais aussi à la santé de nos relations, de nos communautés et de notre environnement ? L’association naturelle et étroite du couple santé et salut se retrouve aujourd’hui dans une situation périlleuse. N’a-t-elle pas essentiellement à témoigner de ce qui fait vivre et espérer ? Le contexte pandémique a révélé nos vulnérabilités et nos solitudes comme individu, mais il a aussi souligné les fractures sociales et le caractère éphémère et anémique de nos liens sociaux. Le présent dossier, intitulé Santé et salut chez Paul Tillich, est issu des travaux du 24e colloque de l’Association Paul Tillich d’expression française (APTEF) tenu en mode virtuel les 21 et 22 juin 2021. Des neuf communications explorant le complexe santé et salut, le présent dossier publie six contributions issues de ces travaux. Le fil rouge qui relie ces diverses contributions, qui tantôt analysent des textes tillichiens particuliers, tantôt s’en servent comme levier réflexif et interactif avec d’autres auteurs, me semble être la remise en jeu d’une notion de salut ancrée dans l’ici et maintenant. Nous sommes loin d’une compréhension supranaturaliste du salut ; celui-ci, même s’il témoigne d’un rapport à la verticalité, s’incarne dans les horizontalités contemporaines de la santé. Jean Richard (U. Laval) analyse dans sa contribution deux textes de Tillich portant sur le salut et la santé en 1946 : « Redemption in Cosmic and Social History » et « The Relation of Religion and Health : Historical Considerations and Theoretical Questions ». Ces textes ouvrent tout le chantier réflexif tillichien pour remettre en jeu le salut dans l’horizon de la santé. L’A. y décortique la structure et l’effort de Tillich pour mettre en rapport le salut et la santé (eschatologie et histoire) tant d’un point de vue universel que particulier. Les perspectives physiques, psychiques et spirituelles s’arriment l’une à l’autre tout en se distinguant et déjà une sensibilité pluridisciplinaire suggère que la religion puisse être reconnue comme un processus de guérison. Deux perspectives anthropologiques opposées sont particulièrement mises en évidence : une première conception plus statique de l’humain, où le corps est objet de la science, et une seconde conception plus dynamique de l’humain, où un principe vital l’anime. Jean Richard souligne les difficultés du texte, difficultés qui trouveront une articulation plus heureuse dans la Théologie systématique. Dans sa contribution nommée « Santé et maladie, totalité et salut. Perspectives anthropologiques, psychothérapiques et théologiques chez Paul Tillich, Viktor E. Frankl et Nancy L. Eiesland », Werner Schüßler (U. Trèves) oppose le progrès et les développements scientifiques au fait qu’il y ait encore et toujours des questions portées par la philosophie et la religion. Si les premiers apportent des bienfaits indéniables à l’humanité, les spécialistes de l’horizontalité ne peuvent offrir des réponses aux seconds. En médecine, en dépit des immenses avancées, on ne peut tout guérir ni empêcher la mort. Ce constat rappelé, l’A. recourt à plusieurs textes clés de Tillich pour mettre de l’avant une compréhension dynamique de la vie, de la santé et de la maladie. Cette compréhension marquée par l’ambiguïté en est aussi une où les polarités de la vie, telles que déployées en interaction entre les différentes dimensions de la vie, témoignent de ce processus dynamique et dialectique entre la santé et la maladie, entre la guérison et le salut. Une fois ces éléments …