Recensions

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, L’Esprit du christianisme et son destin, précédé de L’Esprit du judaïsme. Textes réunis, introduits, traduits et annotés par Olivier Depré. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques »), 2003, 253 p.[Record]

  • Mathieu Robitaille

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  • Mathieu Robitaille
    Ruhr-Universität Bochum

Olivier Depré nous offre ici la troisième traduction française existante (après celles de J. Martin [Vrin, 1948] et de F. Fischbach [Presses Pocket, 1992]) de L’Esprit du christianisme et son destin de G.W.F. Hegel, un titre qui vient enrichir la collection « Bibliothèque des textes philosophiques » (en format poche) de la Librairie Philosophique J. Vrin. En fait, cette parution est la réédition d’extraits de l’édition complète, en langue française, des textes rédigés par Hegel lors de son séjour à Francfort (1797-1800), signée également par O. Depré. Quelques mots d’abord sur ce texte de jeunesse, qui occupe un statut fort important dans le corpus hégélien. Le texte intitulé L’Esprit du christianisme et son destin n’a ni été publié, ni été ainsi intitulé par Hegel. Nous devons cette publication et ce titre à Hermann Nohl, qui édita en 1907 un ouvrage intitulé Hegels theologische Jugendschriften, regroupant plusieurs écrits de jeunesse de Hegel (datant de la période de Tübingen jusqu’à la période de Francfort en passant par celle de Berne). L’Esprit du christianisme et son destin, que W. Dilthey considérait être ce que Hegel a écrit de plus beau, s’inscrit dans le projet de jeunesse global de Hegel. Le jeune Hegel, critique de son époque, et avant tout de la culture d’aliénation qui y règne (sous l’influence, entre autres, de l’institution religieuse), élabore le projet d’une nouvelle forme de « vie totale », c’est-à-dire de vie humaine où l’unité de l’homme et de l’absolu, de l’homme et de l’homme et, enfin, de l’homme et de la nature dominerait la tendance à la séparation de l’homme et de l’absolu, de l’homme et de l’homme et de l’homme et de la nature, qui caractérise à ses yeux la culture moderne. Cette vie totale s’articule autour de deux grands axes : la religion et la politique, que Hegel cherche à concilier à l’aide d’une compréhension nouvelle de la moralité. La vie totale est donc, pour le jeune Hegel, le résultat pratique d’un projet politico-religieux visant à dépasser l’aliénation humaine en réconciliant l’homme et l’absolu, l’homme et l’homme, enfin l’homme et la nature. Deux modèles historiques de vie totale guident sa réflexion : d’une part la polis grecque, qui incarne à ses yeux un modèle de vie politique harmonieuse, de liberté, où l’homme reconnaissait en sa Cité sa substance spirituelle et ne se savait libre, par conséquent, qu’en elle, en tant que citoyen. D’autre part, l’activité intellectuelle du jeune Hegel s’oriente vers la figure de Jésus-Christ, modèle absolu de subjectivité et de moralité, c’est-à-dire d’amour. Les recherches du jeune Hegel sur le Christ culminent, après, entre autres, un essai important à Berne sur La Positivité de la religion chrétienne, avec la rédaction de L’Esprit du christianisme et son destin. Dans cet essai, Hegel tente de dégager, comme le titre de Nohl l’indique bien, quels sont l’esprit et le destin propres du christianisme. Pour ce faire, il emprunte une voie tout à fait dialectique : il nous montre comment l’esprit du christianisme, déterminé par et à travers Jésus, se configure sur la base d’une opposition à l’esprit du judaïsme (une opposition forcément immanente, donc dialectique, puisque le christianisme « sort » du judaïsme). Jésus s’élève contre l’esprit du judaïsme, c’est-à-dire contre son aspect légaliste, positif, etc., et anime l’esprit du christianisme, dont le noyau est l’amour, réalité supérieure à la Loi, à tout commandement venant d’une autorité extérieure. Ainsi le Christ nous offre-t-il, par sa pratique de l’amour, le modèle parfait de la subjectivité, de l’intériorité, en opposition à la légalité et l’extériorité du judaïsme. L’amour, ce lien …

Appendices