Recensions

Jean-René Vernes, L’existence du monde extérieur et l’erreur du rationalisme. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1999, 104 p.[Record]

  • Jean-Pierre Fortin

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  • Jean-Pierre Fortin
    Université Laval, Québec

Ce livre aborde une question centrale dans la modernité : le statut de la réalité extérieure. En effet, depuis Descartes qui a posé au principe de toute la philosophie, comme certitude première et fondamentale, son célèbre cogito, le problème principal pour la pensée au sens large du terme est de sortir d’elle-même et d’établir qu’il existe pour elle un objet qui n’est pas elle, dont l’existence n’est pas réductible à son intelligibilité, à la connaissance qu’elle en a. Si, tel que l’affirme le cogito cartésien, la pensée est le critère même de la vérité — puisqu’il faut éprouver la certitude et la clarté pour affirmer la vérité de quoi que ce soit — comment la pensée peut-elle sortir d’elle-même et atteindre une réalité qu’elle n’est pas ? D’autre part, si toute science implique certitude et clarté, peut-il y avoir connaissance sans nécessité, voire sans nécessité absolue ? Comment serait-il possible de connaître quoi que ce soit avec la plus grande certitude et dans la plus complète clarté, s’il n’est aucunement possible de faire ressortir la nécessité de l’existence de la réalité connue, et d’en manifester la nature, par la voie d’une démonstration qui manifeste sa conclusion de manière nécessaire ? Il est pourtant évident, cependant, que l’expérience que nous avons des choses, de la réalité, n’en est pas une qui soit traversée de part en part par la nécessité absolue, puisqu’il est évident que tous les êtres naturels sont sujets au devenir. Cela étant, il semble bien que l’exigence de certitude de la pensée pour connaître entre en contradiction manifeste avec la réalité qu’elle tente de connaître, laquelle ne nous apparaît que dans sa mouvance même. Comment donc, encore une fois, établir avec certitude que la pensée possède un objet, qu’il existe une réalité connaissable indépendante d’elle, en partant de la pensée elle-même ? Tel est le problème auquel s’attaque Jean-René Vernes dans cet ouvrage succinct. L’auteur va plus loin et ajoute un certain nombre de difficultés, avant de tenter d’apporter des éléments de solution. Il renvoie à la critique de la causalité opérée par Hume. Pourquoi la causalité ? Si, pour connaître, la pensée ne peut se passer d’une forme de nécessité, car on ne saurait posséder de science de ce qui est absolument contingent et donc par nature complètement indéterminé, il faut bien, dès lors, qu’il existe dans la réalité même, si tant est que l’on puisse la connaître, une forme de nécessité. Or la « réalité » est sujette au devenir, à un changement incessant. Comment pourrait-il exister au sein même d’une réalité mouvante par définition quelque forme de nécessité, si ce n’est par le truchement de liens nécessaires entre les choses ? Cela n’est-il pas justement ce que nous entendons par causalité ? C’est ici que les développements de Hume, avance Jean-René Vernes, sont pertinents. En effet, selon Hume, ce que le sens commun établit comme des relations de causalité, en présupposant l’existence de réalités sous-tendant les perceptions qui pour nous semblent reliées nécessairement les unes aux autres, n’est en fait qu’une série de successions dont il est impossible de manifester l’absolue nécessité. Ce à quoi se livre Hume est en fait la tentative de « démontrer l’origine empirique de la notion de cause » (p. 27). En pareille hypothèse, il s’avère impossible de démontrer, par la causalité justement, l’existence nécessaire d’un être en dehors de la pensée, l’empirique étant désormais inéluctablement dominé par la contingence. D’où il suit que « désormais, on ne pourra plus faire de celle-ci [la notion de cause] un usage métaphysique et conclure de nos perceptions à l’existence d’un être …