Avant-propos. Position d’écoute[Record]

  • Maxime McKinley

Depuis quelques années, disons au moins depuis les mouvements de contestation populaire de 2011 – des Printemps arabes à Occupy Wall Street –, des vagues particulièrement nombreuses de protestations, de remises en cause et de gestes militants secouent le confort des habitudes, dérangent la quiétude des acquis. Certes, les accords et désaccords peuvent varier au cas par cas, mais comment nier que nous n’avons pas fini d’en découdre avec le sexisme, le racisme, les injustices sociales, la discrimination et, plus directement en lien avec le présent numéro, l’hétéronormativité ? À voir les prises de position polarisées, les dérives sur les réseaux sociaux et certaines altercations lors de manifestations, il est évident que ce sont là des sujets brûlants, laissant peu de place à l’indifférence. Ces problématiques sont tout sauf réglées. Les musiques dites contemporaines, sous prétexte d’être autoréférentielles et asémantiques, devraient-elles être exemptées de ces remises en question, se soustraire à ces mouvements ? Ce serait discutable sur bien des plans, mais ce serait déjà faire abstraction du fait que ces musiques existent à travers des milieux sociaux, composés d’êtres humains. Néanmoins, il est évident que cet art a des spécificités, une part d’irréductibilité ne pouvant être pensée (ni penser) de la même manière que s’il s’agissait du cinéma, de la littérature, ou même de la chanson, par exemple. C’est en cela qu’on peut espérer qu’il soit le lieu, voire l’occasion, de réflexions qui lui sont propres ; d’un éclairage singulier sur des enjeux communs qui, réciproquement, stimulent et nourrissent cet art particulier. Dans cette dynamique, Circuit constitue un espace éditorial qui n’impose pas de position unique, mais qui, en revanche, propose une position d’écoute. Ce n’est certes pas suffisant, mais cela demeure indispensable pour réfléchir sereinement, apprendre, se sensibiliser et avancer. C’est ainsi que Circuit a consacré récemment des dossiers touchant, notamment, au post-colonialisme et à l’engagement politique. D’autres dossiers cherchant à situer les musiques contemporaines relativement à des questions sociales, d’intérêt public, sont en préparation. Le présent numéro, pour sa part, aborde l’enjeu de la diversité des identités sexuelles dans les musiques de création. Dans toutes les sphères de la société, la place des communautés lgbtq+ ne va toujours pas de soi et continue de faire des vagues. Lorsque, en 2016, Jordan Peterson – professeur de psychologie à l’Université de Toronto – a pris position, dans la foulée du projet de loi c-16, contre l’utilisation de pronoms neutres au nom de la liberté académique, le débat s’est enflammé et a pris une ampleur médiatique considérable. Plus positivement, en 2020, le travail de la rappeuse noire et trans Backxwash a été reconnu par le prix Polaris, un « évènement majeur » selon le fondateur de l’étiquette de disques Trans Trenderz, le rappeur trans Blxck Cxsper. Trans Trenderz, basée à Montréal, est la seule maison de disques entièrement dédiée aux musiscien.ne.s noir.e.s trans. En entretien avec le quotidien La Presse, son fondateur abordait notamment la question linguistique au Québec, parfois liée aux défis d’inclusivité, mais aussi la diversité de styles musicaux pouvant se retrouver dans la communauté musicale queer. Parmi cette pluralité d’expressions, qu’en est-il des musiques dites contemporaines ? D’où partons-nous et où en sommes-nous ? Ce dossier, préparé par Éric Champagne et Martine Rhéaume en collaboration avec la rédaction de la revue, permet de lever le voile sur ces interrogations par le truchement, notamment, d’une perspective multigénérationnelle, allant du Canada des années 1950 jusqu’à la génération montante d’aujourd’hui. En complément à ce dossier thématique, la rédaction a préparé (comme c’est généralement le cas) une rubrique Actualités « hors thème ». Celle-ci s’ouvre ainsi avec …

Appendices