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  • Marie Martin

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  • Marie Martin
    Université de Poitiers

Dans son ouvrage Film Remakes, Constantine Verevis (2006, p. 2) situe l’origine du remake non pas en un « lieu unique » qui serait l’auteur, ou le texte, ou le spectateur, mais dans un réseau de relations soumises aux variations historiques. Dans cette perspective, ce dossier explore le champ des réécritures filmiques au prisme du secret, c’est-à-dire des relations latentes et autres indéfinissables airs de famille que l’acte de spectature soupçonne ou construit. Plus précisément, il s’agit d’arpenter la voie de recherche qu’entend désigner, quoique avec imperfection, le nom de code de « remake secret ». Il est toujours hasardeux de nommer une intuition. L’hypothèse présentée ici répond à une appellation qui s’est imposée à proportion de sa suggestivité romanesque, non sans susciter des malentendus qu’il faut lever d’emblée. L’expression qualifie une modalité particulière du travail filmique de réécriture et de reconfiguration des traumas dans la relation entre deux films, un film matriciel que réécrit et transpose le film second. Cette transposition n’est pas un transfert culturel, mais un nouvel encodage imaginaire, ce que suggère l’adjectif « secret ». L’idée du secret ne vise ni l’éventuel caractère inavoué du remake, ni l’herméneutique d’un sens caché, mais un type de fonctionnement où le second film déguise un premier récit qu’on peut retrouver ou construire, à l’analyse, comme les pensées latentes dans le texte manifeste d’un rêve : la réécriture selon les modalités de la figurabilité inconsciente fait alors émerger, du film source, un impensé ou un invu s’originant dans un trauma qui peut être, selon le cas, individuel ou collectif, psychique ou historique. Une telle définition accuse les spécificités du remake secret par rapport aux questions d’intertextualité et à la pratique balisée du remake « ordinaire ». La reprise a contrario des définitions du remake que donne Raphaëlle Moine (2007, p. 5-35) permet une délimitation du champ : le remake secret n’est pas une catégorie juridique ; comme « fait de production », il ne vise pas à réutiliser la recette d’un succès, mais se fonde sur une poétique d’investissement obsessionnel de l’oeuvre source, soit de manière consciente, sous la forme de jeux de contraintes ou de transpositions systématiques, soit en obéissant à une figurabilité modelée par des mécanismes inconscients ; comme « fait de représentation », il passe sa possible matrice au crible de la mémoire (in)volontaire ; parce qu’il est un « fait de réception », voire d’analyse, il ne se soucie d’aucune intentionnalité et concerne surtout la réécriture d’oeuvres phares du cinéma. Le premier objectif du défrichage entrepris ici consiste à explorer la nature de ces remakes situés à l’intersection fluctuante et complexe entre création auctoriale et création spectatorielle, consciente ou non, à partir des traces du travail de figurabilité filmique qui cristallise les traumatismes latents, voire refoulés, de leur matrice. Il faut donc d’abord mettre en jeu la notion de remake secret en interrogeant chacun des termes qui la composent et en la confrontant à des pratiques concurrentes : Denis Mellier, Hervé Aubron et Marie Martin situent ce mode de réécriture dans le champ théorique des études hypertextuelles, pour en développer la teneur et les filiations dans ses rapports problématiques avec des catégories voisines (secret, énigme, reprise, réplique, genre, adaptation) et dans ses rapports historiques avec le classicisme, la modernité et le maniérisme. Marie Martin ouvre le dossier en présentant l’actualité et la généalogie du remake secret, et en proposant une théorisation qui fonde la notion sur la réécriture systématique de figures — au sens défini par Martin Lefebvre (1997) — selon le modèle de ce que Thierry Kuntzel (1975) appelle le « travail du …

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