Comptes rendu bibliographiques

CHOQUETTE, Catherine et LÉTOURNEAU, Alain (dir.) (2008) Vers une gouvernance de l’eau au Québec. Montréal, Éditions Multimondes, 364 p. (ISBN 978-2-89544-132-9)[Record]

  • Frédéric Lasserre

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  • Frédéric Lasserre
    Université Laval

En 2002, le gouvernement du Québec a adopté une politique nationale de l’eau qui instaurait une gestion intégrée et concertée de l’eau basée sur une approche territoriale, soit le bassin versant, selon une approche certes inspirée du modèle français de 1964, mais qui n’en était pas pour autant une copie conforme. Le modèle québécois repose sur la responsabilisation de l’ensemble des acteurs d’un bassin versant : pouvoirs publics, municipalités, agents économiques, citoyens, associations. Il suppose la coordination des actions et projets de tous ces acteurs et la définition d’un consensus en matière de gestion des eaux, à partir d’un portrait de chaque bassin versant, ce qui pose aussi la question de l’accès aux données. L’ouvrage pose donc la question des défis que représente la mise en oeuvre d’une réelle gouvernance de l’eau, comprise comme la sortie de l’approche antérieure, très sectorielle, cloisonnée, dans laquelle l’eau était gérée selon les préoccupations de chaque agent gouvernemental (transport, municipalités, agriculture, environnement, hydroélectricité) sans qu’une réelle coordination ne soit mise en oeuvre. Car le véritable défi de la gouvernance de l’eau, telle que définie en 2002 dans la politique nationale, est d’intégrer toutes ces dimensions, de réfléchir à un processus de gestion qui tiendrait compte des préoccupations et des objectifs de tous les acteurs du territoire. Dans une première partie, consacrée à ce que les auteurs appellent les savoirs préalables à la gouvernance de l’eau, Bonn et Thomas présentent le concept de bassin versant, ses caractéristiques hydrologiques et son évolution dans le temps. L’aspect économique est traité, de façon un peu réductrice, par Boyer qui reprend l’idée de l’exportation de l’eau comme source potentielle majeure de revenus pour la société québécoise, sans convaincre tant l’analyse demeure légère et sans que soit évoqué tout le débat politique susceptible d’être soulevé par un tel projet. Mais la gestion de l’eau au Québec se caractérise avant tout par un imbroglio juridique où la complexité juridictionnelle n’a d’égal que le pandémonium normatif. Pour tenter de clarifier le système juridique de l’eau au Québec, Tremblay-McCaig décrit comment la gestion de l’eau a été façonnée par le partage des compétences qu’on trouve dans la Constitution canadienne. Suivent plusieurs chapitres qui décrivent la complexité du droit régissant la gestion de l’eau au Québec, droit fédéral, droit provincial, notion de chose commune, pouvoirs délégués aux municipalités, aspects du droit international. Le chapitre rédigé par Comtois et Turgeon, « Propos sur le régime juridique de l’eau au Québec », fait écho à celui de Tremblay-McCaig et souligne bien la complexité de l’échafaudage juridique en matière de gouvernance de l’eau, la multiplicité des acteurs impliqués, les diverses strates de droit qui se sont construites peu à peu, ainsi que la diversité des approches, tous des éléments qui ont contribué à produire cette complexité avec laquelle doivent désormais composer les pouvoirs publics. Dans une deuxième partie, les auteurs se penchent sur la façon dont les concepts de gouvernance de l’eau au Québec ont été mis en oeuvre, surtout depuis la promulgation de la Politique nationale de l’eau en 2002. Milot signe un excellent chapitre sur la gouvernance des cours d’eau au Québec, brossant un état des lieux clair et précis, un portrait que complète la réflexion prospective de Raîche en fin de partie. Beaulieu évoque la difficulté pour les organismes de bassins versants (OBV) à définir leur identité et à construire leur légitimité opérationnelle, tant il est vrai que le caractère associatif de ces OBV, la volonté du gouvernement québécois de ne pas leur donner de pouvoir décisionnel ou fiscal et leur faiblesse institutionnelle rendent leur mandat – fondé sur la recherche du consensus – …