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Depuis déjà quelques années, le développement des capacités spatiales de la Chine a su attirer un intérêt marqué au niveau international. Les essais d’armes antisatellites en 2007 et la sortie dans l’espace d’un taïkonaute en 2008 ont démontré au monde entier que la Chine possède désormais des capacités spatiales à la hauteur de ses ambitions. Mais que sait-on exactement du programme spatial chinois ? Quel est l’état réel des capacités chinoises ? Que veut accomplir le gouvernement chinois avec de telles technologies ? Voilà les questions auxquelles Isabelle Sourbès-Verger et Denis Borel, deux spécialistes des programmes spatiaux comparés, abordent dans cet ouvrage.

Le coeur du livre s’articule en deux parties principales. D’abord, suivant une brève introduction, une première section, qui comprend deux chapitres, retrace l’histoire et l’évolution du programme spatial chinois, depuis la fondation de la Cinquième Académie en 1956 jusqu’au début des années 2000. Ensuite, une seconde partie, un peu plus substantielle et comprenant trois chapitres, relate la tangente qu’a prise le développement des capacités chinoises dans le domaine spatial depuis l’arrivée au pouvoir de Hu Jintao en 2002.

Dans cette deuxième section, les auteurs cataloguent soigneusement les capacités spatiales actuelles de la Chine et analysent leur récent développement. En plus d’aborder une multitude de facettes du programme spatial de la Chine, ils en analysent les diverses motivations internes et externes, ce qui leur permet d’évaluer la place réelle qu’occupent les capacités spatiales de la Chine dans sa présente stratégie internationale ainsi que l’importance qu’elles risquent d’avoir dans sa stratégie de demain.

L’analyse de Sourbès-Verger et de Borel contraste de façon bien convaincante avec la lecture passionnelle que beaucoup d’analystes, principalement américains, ont faite du rôle des technologies spatiales dans la puissance chinoise. Le quatrième chapitre « Mythes et réalités du spatial chinois » démontre justement les obstacles non négligeables auxquels ferait face la Chine si le développement de ses capacités spatiales était principalement destiné à des fins militaires. En effet, contrairement à une analyse répandue, les auteurs diminuent l’importance qu’ont les militaires dans l’établissement des orientations du programme spatial de la Chine. Sourbès-Verger et Borel soulignent que les activités spatiales de la Chine « sont trop souvent appréciées à l’aune des risques qu’ils pourraient faire courir à la sécurité internationale » (p. 91) et avancent par le fait même que le programme spatial chinois n’est pas perçu tel qu’il est réellement, mais plutôt pour ce qu’il pourrait être.

Cet ouvrage s’adresse tant aux intéressés des programmes spatiaux comparés qu’aux analystes des politiques de sécurité et de défense chinoises, apportant une contribution inestimable à la compréhension du développement des capacités spatiales de la Chine. Si quelques très bons ouvrages ont été publiés au cours des dernières années sur le sujet, l’opus de Sourbès-Verger et Borel non seulement représente un des rarissimes ouvrages en langue française, mais il se démarque également du lot de par la limpidité de son écriture et le traitement exhaustif du sujet. Sur le plan du format, la richesse des informations contenues en annexe de même que les nombreux encadrés présentés tout au long du livre permettent au lecteur d’explorer un historique complémentaire ainsi que de comprendre un jargon technique relativement compliqué, et ce, sans jamais perdre le fil de l’argumentaire.