Comptes rendus bibliographiques

SÉBILLE-LOPEZ, Philippe (2006) Géopolitiques du pétrole. Paris, Armand Colin, 480 p. (ISBN 2200-34541-0).[Record]

  • Frédéric Lasserre

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  • Frédéric Lasserre
    Université Laval

Un florilège d’articles et d’ouvrages aborde aujourd’hui le thème de la géopolitique du pétrole. Le prix de l’or noir bat des records historiques depuis 2006, et la hausse enregistrée n’est pas appelée à se calmer, d’après les experts, tout simplement parce que la demande ne diminuera pas étant donné la forte croissance économique contemporaine. Les Occidentaux ont l’habitude depuis des décennies de consommer de grandes quantités de pétrole, et les pays dits émergents pratiquent désormais une politique de croissance fondée sur une consommation élevée d’énergie. À ce problème majeur s’ajoutent des réserves pétrolières limitées dans certains pays ainsi que la part de la spéculation financière. Cette situation tendue inquiète les citoyens, confrontés aux prix qui grimpent mais aussi aux conséquences environnementales des fortes émissions de gaz à effet de serre. Quant aux États, ils doivent maintenant envisager le pire : la fin du pétrole. La thématique des géopolitiques du pétrole, plurielle car se déclinant de diverses façons selon les régions, est fondamentale dans la structuration des relations internationales contemporaines, puisque à la fois internationale et multinationale : Les analyses sont souvent pertinentes, comme par exemple sur la Russie en passe de devenir un arbitre du marché européen et mondial. C’est un bon livre de géopolitique mais aussi un livre géographique sur la production de pétrole. De nombreuses cartes et autres graphiques permettent de comprendre les enjeux géographiques : l’importance des rivalités portant sur le tracé des oléoducs en Asie centrale, la construction de l’oléoduc Bakou-Ceyhan à travers la Turquie, la permanence de projets d’oléoducs transafghans vers le Pakistan, mais aussi les réelles capacités de production et les réserves prouvées des différents acteurs du grand jeu mondial. Il s’avère en effet que certaines réserves, par exemple celles de l’Arabie Saoudite, ont été surévaluées, soit dans les années précédentes par manque de technologies adaptées, soit par intérêt politique bien compris, afin d’attirer des capitaux d’une part, et surtout d’augmenter la production, car, au sein de l’OPEP, les quotas de production étaient déterminés en fonction des réserves prouvées. De ce fait, la hiérarchie des principaux producteurs pourrait être appelée à changer. Si l’Arabie saoudite semble dominer le marché, l’Irak dispose de réserves considérables, tandis que la Russie s’efforce de mettre en valeur les importants gisements en gaz et pétrole de la Sibérie. L’auteur a un parti pris très clair : les États-Unis ont une volonté affichée d’indépendance énergétique et l’administration Bush fait tout (même la guerre) pour l’obtenir. Dans un contexte de la conjonction d’un probable pic pétrolier d’une part, et d’autre part, de l’émergence de nouvelles puissances économiques affichant de forts appétits énergétiques – Chine, Inde, Brésil, etc., – la rivalité internationale pour la prise de contrôle des ressources afin de se garantir un approvisionnement pérenne se voit exacerbée. On a ici un bon ouvrage de synthèse, qui présente un panorama intéressant des rivalités de pouvoir entre les différents acteurs sur la scène internationale, et dans les théâtres régionaux abordés. On relève cependant, ça et là, quelques erreurs ou raccourcis, notamment une prétendue revendication chinoise sur les îles Natuna (Indonésie), ou un hypothétique projet américain de Grand Moyen-Orient, sans plus d’explication ou de sources pour l’étayer. De même, le fait que l’administration américaine du président Bush aurait repris à son compte les théories fumeuses d’Alford Mackinder du heartland reste à prouver. On remarque aussi une référence lapidaire à des frontières artificielles, alors que le caractère très discutable de ce qualificatif est connu. L’auteur effectue des classements de PIB en parité de pouvoir d’achat, alors que ce mode de calcul du revenu par habitant, fort utile pour rendre compte du niveau de …