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C’est en hommage à la contribution importante de Dominique Goubau dans le domaine du droit des personnes que je soumets ma réflexion sur une étape souvent ignorée de la vie des femmes, construite comme une entrée dans la vieillesse et une perte de statut.

Historiquement, les femmes ont acquis le droit à la scolarisation, le droit de vote, le droit à la libre disposition de leur corps, des droits matrimoniaux, les droits parentaux, le droit au travail, mais il leur reste à conquérir le plus difficile, le droit à vieillir[1].

Dans mon ouvrage intitulé Le droit à l’autonomie procréative des femmes : entre liberté et contrainte[2], j’ai adopté une structure chronologique divisée en trois temps selon les différentes étapes de la procréation : d’abord, la maternité évitée ou reportée (la contraception et l’avortement) ; ensuite, la maternité fragmentée par les technologies de procréation médicalement assistée (PMA) (la conservation d’ovules, le don d’ovules, la fécondation in vitro (FIV) et la maternité pour autrui) ; et, enfin, la maternité portée à terme (la grossesse et l’accouchement). J’y ai abordé les droits des femmes et des filles. Il a aussi été question d’élimination d’embryons et de foetus féminins en raison de leur sexe ou d’infanticides de bébés filles. Il me semblait dès lors avoir traité, du point de vue juridique, de tous les aspects de la vie procréative des femmes.

Le choix d’une approche collée aux étapes de la vie procréative des femmes annonçait déjà un grand oubli. Je ne me suis pas penchée sur la question des droits des femmes plus âgées qui ne sont plus en mesure de procréer, sauf pour souligner la pression de l’horloge biologique qui guette les femmes. Ainsi, la conservation ovocytaire est souvent présentée comme une façon d’ignorer ou de ralentir le tic-tac de l’horloge procréative des femmes. La FIV permet aussi à des femmes plus « âgées » (mais ayant moins de 42 ans) ou à des femmes ménopausées de porter un enfant.

En excluant les femmes ménopausées de mes recherches, j’ai participé à la non-reconnaissance de leur droit à l’autonomie procréative ou, en tout cas, à leur invisibilité sociale, ou plutôt à la visibilité de ce qui est perçu comme leur perte de valeur. Julia Twigg affirmait que « the older female body is both invisible — in that it is no longer seen — and hypervisible — in that it is all that is seen[3] ». Déjà en 1972, Susan Sontag dénonçait les stéréotypes à l’égard des femmes vieillissantes, lesquels les dépeignaient comme moins productives, moins attirantes, moins utiles, constituant des poids pour la société, contrairement aux hommes vieillissants[4]. Mon silence non volontaire reflète bien la littérature féministe : les chercheuses féministes ont mis du temps à s’intéresser aux femmes plus âgées et à la double discrimination (âge et sexe/genre) que ces dernières vivaient, sans doute parce que ces féministes étaient trop occupées à se battre pour le droit à l’avortement ou encore le droit à l’éducation et au travail qui concernaient des femmes plus jeunes[5]. Leur silence témoigne peut-être aussi de la peur de vieillir. Alors que la population en Occident vieillit, les femmes âgées — qui ont profité des avancées féministes, particulièrement celles qui appartiennent à la génération des baby-boomers — seront de plus en plus présentes sur la place publique et revendiqueront leurs droits.

Dans le présent texte, je désire analyser la manière dont le droit participe à la construction sociale de la « femme ménopausée » perçue comme « trop vieille » et dévalorisée. Mes recherches m’ont menée du côté de la PMA et de la discrimination au travail, deux domaines qui touchent le corps des femmes. Mes réflexions, basées sur un cadre théorique féministe, interrogent les sources habituelles du droit.

Phase normale de la vie des femmes, la période de transition menant à la ménopause et à la stérilité a été construite dans les discours et la pratique en une étape qui présente les femmes comme carencées et moins productives, donc vieilles (partie 2). Ce statut de « la femme ménopausée » est repris dans le domaine des règles encadrant la PMA et en matière de discrimination au travail (partie 3). Cependant, des précisions sont d’abord nécessaires pour mieux comprendre les stéréotypes qui construisent les femmes comme vieilles dès qu’elles ne sont plus en âge de procréer et qui leur imposent un double standard (partie 1).

1 L’injonction de vieillir en beauté : le double standard imposé aux femmes

Les outils d’analyse féministe mettent au grand jour les stéréotypes à l’égard des femmes ménopausées et vieillissantes. Ainsi, la hiérarchie de pouvoir entre la classe des hommes et celle des femmes se poursuit dans la vieillesse. Les femmes vieillissantes — et l’image qu’elles donnent à voir — sont expulsées de la sphère publique, victimes de discrimination en raison de leur sexe/genre et de leur âge (ou de la perception de leur âge par autrui). Pourtant, les hommes âgés demeurent actifs dans la sphère publique, expérience et cheveux gris étant gage de sagesse. Dans la sphère privée, le travail gratuit du soin (care) des femmes âgées auprès de leur famille et de leur communauté est invisibilisé, travail pourtant essentiel. Leur invisibilité se poursuit dans les politiques sociales. Elles figurent souvent dans le groupe des « aînés », comme si cette catégorie était homogène, ce qui efface leurs réalités et leurs besoins liés à leur statut de femmes aînées[6]. Les femmes ménopausées, donc vieillissantes, sont oubliées ou ignorées parce qu’elles sont perçues comme ni bonnes pour le travail de procréation ni bonnes pour le travail de production, alors qu’elles vivent de plus en plus vieilles[7] et qu’elles demeurent actives dans toutes les sphères de la société.

Par l’emploi du terme « femmes », je vise la classe des femmes, constituée de personnes qui se présentent comme des femmes et qui ont été socialisées en tant que telles. Elles ont ou ont eu un utérus et des ovaires. Ainsi que le précise Naomi Cahn, « [n]ot all women menstruate, and not all who menstruate are women, but all who do have “female biology”[8] ». Il n’est pas question ici de biologiser la maternité, de réduire les femmes à leur rôle de procréation ou d’ignorer la construction sociale de la maternité et ses conséquences sur les femmes[9], mais plutôt de prendre en considération des particularités biologiques du système reproducteur des femmes, particularités qui se révèlent source de discrimination et d’oppression envers elles. Par ailleurs, les réalités des femmes se déclinent en mode pluriel, ce dont témoigne l’approche intersectionnelle qui croise les différentes formes de discrimination[10]. Les besoins des femmes varient selon leurs positions historiques, économiques et sociales. Je ne traite donc pas de « la femme » en général. À l’aide d’études, je tiens compte des réalités de femmes membres de minorités.

Ma réflexion féministe mobilise la notion de genre comme outil servant à dénoncer l’oppression des femmes[11], mais cette notion n’est pas connue du droit[12]. En matière de discrimination, le droit utilise le sexe à titre de motif illicite de discrimination. Sans vouloir ici régler le débat sur le caractère biologique ou construit de la notion de sexe[13] — pour certaines chercheuses, le genre précède le sexe qui est lui-même un construit social[14] —, j’emploie le terme « sexe/genre » lorsqu’il est question de discrimination envers les femmes pour bien marquer le caractère construit des rapports sociaux entre les hommes et les femmes. Le terme « genre » n’est pas synonyme ici de femme, de féminisme, des genres (homme/femme) ou d’identité de genre.

Quant aux termes « âgé », « aîné », « senior » ou « vieux », par exemple, pour désigner des personnes qui ne sont pas considérées comme jeunes, il ne fait pas consensus[15]. D’abord, il n’est pas facile de nommer ce groupe de personnes sans charrier des préjugés à leur égard. De plus, au-delà du choix d’un terme approprié et respectueux, son contenu demeure imprécis. Les termes « âgé », « aîné », « senior » ou « vieux » ne renvoient pas toujours à un âge chronologique précis[16], contrairement à l’âge de 18 ans qui marque sur le plan juridique l’entrée de la personne mineure dans le monde adulte[17]. Habituellement, en Occident, l’un ou l’autre de ces termes désigne les personnes retraitées ou âgées de plus de 65 ans. Cependant, il semble que l’on vieillisse moins vite ou mieux qu’auparavant, tout dépendant de la classe sociale et des conditions de vie, en raison des avancées de la médecine. Comme le clame le slogan, la personne aujourd’hui âgée de 60 ans est celle qui était autrefois âgée de 50 ans (« Sixty is the new fifty »)[18]. On distingue maintenant les « jeunes vieux » des « vieux vieux », le troisième âge du grand âge et le groupe des « super centenaires ».

Derrière la question de l’âge chronologique se cache celle de l’âgisme[19]. On peut définir ce concept comme un traitement différencié défavorable ou une exclusion, en raison de l’âge réel ou perçu, ce qui maintient les préjugés et les stéréotypes envers les personnes catégorisées comme trop vieilles et incapables, et ce qui nie leur pleine participation sociale[20]. Ce motif illicite de discrimination se distingue d’autres formes de discrimination. Par exemple, si elles ont la chance de vivre assez longtemps, toutes les personnes sont susceptibles de subir de l’âgisme, contrairement au sexisme et au racisme. Avec le vieillissement de la population et une plus longue espérance de vie, un nombre croissant de personnes se heurteront à l’âgisme. Cette situation confère à l’âgisme un statut particulier : il constituerait un motif moins grave de discrimination (des plus jeunes qui ont profité de l’âgisme seront à leur tour victimes d’âgisme)[21]. À l’inverse de ce qui se passe pour l’ethnie et le sexe[22], la ligne de démarcation entre les personnes qui font ou non partie de cette catégorie fluctue selon le point de vue : bien que l’âge chronologique puisse servir de critère[23], le sujet « âgé » n’est pas toujours déterminé avec précision. À vrai dire, l’âgisme prend naissance dans les yeux de celle qui regarde. Certaines formes de catégorisation selon l’âge sont permises sans être considérées comme discriminatoires[24], ce qui n’est pas le cas pour le sexisme ou le racisme[25]. Pensons aux limites législatives, fondées sur des considérations de santé publique, interdisant l’achat et la vente d’alcool à des personnes mineures[26]. L’âgisme ne concerne pas que les personnes catégorisées comme vieilles, mais peut toucher toutes les personnes à différents moments de leur vie[27]. Aux fins de mon propos, l’âgisme touche les femmes considérées comme vieilles dans la société actuelle, peu importe leur âge chronologique, en raison de préjugés âgistes.

Si l’âgisme constitue une forme de discrimination envers une personne, il constitue aussi un phénomène systémique dans une société qui érige la jeunesse en idéal. Cacher son âge chronologique ou les signes de vieillesse par toutes sortes d’artifices, ou mentir à son sujet, ou encore adopter des attitudes « jeunes » sont encouragés par les médias et l’industrie anti-âge, particulièrement pour les femmes. Penserait-on à suggérer à une personne racisée de masquer son ethnie ou à une femme de changer de sexe pour ne pas être discriminée[28] ?

Ainsi, pour les femmes, l’étape de la vieillesse prend un autre sens. Les médias, l’industrie de la beauté anti-âge et la société en général les présentent comme vieillissant plus vite et moins bien que les hommes. Elles se voient attribuer le qualificatif « âgées » dès la ménopause, cette étape de la vie devenant la porte d’entrée de la vieillesse[29]. Responsables de « vieillir en beauté », elles doivent combattre le vieillissement par la chirurgie esthétique, par le sport, par une excellente hygiène de vie, etc.[30]. Dès les premiers signes extérieurs de la ménopause, les femmes sont perçues comme moins performantes sur le marché du travail, notamment parce qu’elles ne répondent plus à l’image de l’éternelle jeunesse. À l’inverse des hommes, l’âge chez les femmes ne constitue pas un gage de sagesse, mais un signe de perte de valeur et de privilèges. Dans mon analyse, ainsi que le démontre la construction sociale de l’âge, les femmes en préménopause, en périménopause ou en postménopause — peu importe leur âge chronologique et qu’elles soient ou non incommodées par la ménopause — sont considérées par la société comme âgées[31] ou entamant la période de la vieillesse.

2 Une critique féministe de la ménopause comme construction sociale

Les chercheuses et militantes féministes ont démontré la construction sociale de la ménopause en tant que maladie carentielle, alors que ce n’est pas une maladie, mais bien un processus normal du vieillissement chez les femmes. Cette conception de la ménopause, que l’on ne trouve pas chez les hommes vieillissants[32], contribue à définir les femmes par leur rôle procréatif, c’est-à-dire que la ménopause les en exclut.

La ménopause désigne la période qui est marquée par l’arrêt des menstruations, pendant au moins 12 mois consécutifs, et de la fertilité naturelle chez la femme et qui s’accompagne de symptômes plus ou moins incommodants, variant selon les femmes et leur situation personnelle[33]. « [I]t is the culmination of some 50 years of reproductive aging — a process that unfolds as a continuum from birth through ovarian senescence to the menopausal transition and the postmenopause[34]. » L’âge moyen de la ménopause est de 51 ans dans les pays industrialisés[35]. Les premiers signes peuvent se manifester vers 44 ans et continuer jusqu’à 65 ans. On estime que 25 % des femmes présentent des symptômes qui ont une incidence sur leur qualité de vie. La littérature emploie les termes « préménopause », « périménopause », « postménopause » et « transition ménopausique » pour nommer les différentes étapes du continuum qui peut s’étendre sur une longue période de la vie des femmes, en fait presque le tiers si l’on tient compte de la période de la préménopause et de l’espérance de vie.

Si la ménopause est aujourd’hui appréhendée comme une catégorie médicale, il n’en a pas toujours été ainsi. La période de l’arrêt des menstruations a été peu abordée par les médecins de la Grèce antique[36]. Au Moyen Âge, les médecins considéraient que la cessation des règles entraînait des effets dangereux pour les femmes. Ce n’est qu’en 1821 qu’un médecin français crée le terme « ménopause » pour désigner ce temps de la vie des femmes, qui marque la fin de leur capacité procréative et qui cause de nombreux symptômes devant être corrigés[37]. Au cours des années 1930 et 1940, avec le développement de l’endocrinologie, les premiers traitements de remplacement hormonaux (TRH) ont fait leur apparition pour atténuer ou éliminer les symptômes ménopausiques[38]. Dès lors, la ménopause a été construite par le corps médical comme une maladie de la carence. Il a fallu attendre les années 1960, aux États-Unis, pour que les TRH deviennent très populaires auprès des femmes afin de contrôler les symptômes ménopausiques qui sont perçus comme des dangers et des risques en matière de santé[39]. Comme l’indiquait le titre de l’ouvrage de Robert A. Wilson, gynécologue américain, le but était de permettre aux femmes ménopausées de conserver leur « essence féminine », d’être Feminine Forever[40].

Dès 1948, de premières études ont démontré les risques de cancer de l’endomètre chez les femmes liés aux TRH (seulement la prise d’estrogènes). Au cours des années 1980, pour éviter le cancer de l’endomètre, un mélange d’estrogènes et de progestatifs a été proposé aux femmes ménopausées. Pendant les années 1990, de 40 à 50 % des femmes ménopausées de la plupart des pays occidentaux ont suivi un TRH pour des motifs de prévention[41]. Après la parution en 2002 des premiers rapports de l’étude de la Women’s Health Initiative (WHI) sur les effets défavorables du TRH[42], la prescription d’hormones a chuté aux États-Unis, au Canada et dans d’autres pays occidentaux. Les résultats de l’étude WHI ont depuis été nuancés. De nos jours, en Occident, sans atteindre le niveau d’avant 2002, de plus en plus de femmes ménopausées choisissent le TRH[43]. Même si le corps médical considère qu’il procure des effets bénéfiques aux femmes, selon les cas[44], cette controverse n’est pas tout à fait réglée. Des groupes de femmes demandent plutôt des traitements alternatifs aux hormones substitutives[45], tandis que d’autres exigent des hormones bio-identiques et une meilleure formation des médecins de famille sur ce sujet[46].

Certes, un processus physiologique normal, qui peut présenter des symptômes plus ou moins dérangeants selon les femmes[47], la ménopause s’avère aussi une construction sociale, dont la portée et le contenu varient selon les époques et les sociétés[48]. Au dire de Nelly Oudshoorn, « [h]ealth problems can only be classified as illness and be medicalized if there exists a cultural climate and a medical infrastructure that actively transforms health complaints into diseases. The medicalization of health problems ultimately depends on the attitudes and interests of medical professions, patients, and last but not least, the pharmaceutical industry[49] ». Pour sa part, Ingar Palmlund explique bien de quelles façons la ménopause a été construite aux États-Unis en tant que période de risques pour la santé des femmes par les médias et le corps médical[50], lequel a accru son autorité sur la définition de la ménopause à titre de maladie et sur la légitimité des expériences des femmes. Comme l’affirme Cécile Charlap, « la ménopause est l’objet de représentations sociales, lesquelles déterminent le statut des femmes dans ces sociétés patriarcales[51] ». Jen Gunter souligne que l’apparition des règles chez les jeunes filles est célébrée (elles sont maintenant des femmes), alors que la ménopause — qui est une étape tout aussi importante que la puberté — passe inaperçue[52].

La médicalisation de la ménopause a produit des effets à la fois positifs et négatifs chez les femmes[53]. Les symptômes dérangeants et, dans certains cas, incapacitants de cette période de la vie des femmes ont été reconnus, légitimés et traités par la médecine. Les expériences des femmes ont ainsi été validées. Rappelons qu’elles ont dû se battre pour obtenir des soins de santé génésique[54]. Pensons à l’accès à la contraception, à l’avortement et aux services des sages-femmes.

Toutefois, la médicalisation de la ménopause a aussi renforcé les stéréotypes à l’égard des femmes selon lesquels leur vie est déterminée par leurs hormones, ce qui n’est pas le cas pour les hommes alors qu’ils en sécrètent également. L’entrée en ménopause marque la fin de leur fonction procréative, ce qui — d’après les stéréotypes — leur fait perdre leur rôle considéré comme principal. La vision de la ménopause telle une maladie carentielle reproduit les rapports sociaux hiérarchisés entre les hommes et les femmes, où l’on relègue ces dernières du côté de la nature et de la procréation. Le symbole de la ménopause est tellement prégnant dans les sociétés occidentales que Cécile Charlap distingue la ménopause physiologique (arrêts des menstruations) de la ménopause sociale[55]. Celle-ci, par un discours et des pratiques, impose aux femmes de cesser d’avoir des enfants au début de la quarantaine (sans qu’elles soient ménopausées). On mentionne alors des risques liés à la grossesse tardive, le fait que la mère pourrait être la grand-mère de ses enfants et des enfants qui naîtront d’une mère âgée, laissant comprendre aux femmes qu’elles ne seront pas en mesure d’être de bonnes mères. Je reviendrai plus loin sur la notion de ménopause sociale lors de l’analyse de l’accès à la PMA.

Des auteures ont souligné avec justesse l’attention accordée par la médecine et les médias à la ménopause, alors que le vieillissement chez les hommes ne semble pas susciter le même intérêt[56]. Pour Ilana Löwy, cet intérêt du corps médical à l’égard des hormones chez les femmes et non chez les hommes replace ces dernières dans leurs fonctions naturelles procréatives et les hommes dans le monde extérieur[57]. Une nouvelle injonction est faite aux femmes ménopausées : effacer les symptômes de la ménopause par les hormones, s’adonner à l’exercice physique, avoir recours à la chirurgie esthétique, rester jeunes et désirables. Michèle Kérisit et Simone Pennec expliquent bien le double standard appliqué aux femmes ménopausées : « L’identité sexuelle des hommes maturescents ne se loge donc pas dans une quelconque déficience hormonale qui signalerait l’entrée dans le vieillissement, comme c’est le cas pour les femmes, mais dans un parcours physiologique relevant de pathologies potentielles durant la vie[58]. » Le moins grand nombre d’écrits sur l’andropause est aussi une construction sociale[59]. Julia Twigg note la perte de statut social des femmes ménopausées :

[C]ultural judgements concerning the body bear particularly harshly on women, traditionally prized for their sexual attractiveness seen to reside in youth [...] Aging undermines women’s traditional source of power. Male power by contrast resides in money, status, social dominance, so that early signs of aging such as gray hair are read as marks of maturity and authority[60].

3 La manière dont le droit saisit la ménopause : femmes trop vieilles pour le travail de procréation et le travail de production

Après avoir expliqué le caractère construit de la ménopause qui ramène les femmes à leur rôle procréateur et reproduit ainsi les stéréotypes de genre, j’analyse deux domaines du droit qui renvoient à la femme en transition ménopausique ou postménopausée l’image d’une « vieille femme ». D’abord, la loi encadre l’accès à la technique de FIV en imposant, entre autres, une limite maximale d’âge aux femmes qui veulent bénéficier du remboursement des coûts. Au-delà de 42 ans, elles sont considérées comme « trop vieilles » et inadmissibles au programme étatique. Leur « horloge biologique » s’est arrêtée sur le plan administratif, sans qu’elles soient réellement ménopausées (3.1). Ensuite, si les femmes ont intégré en masse le marché du travail et qu’elles y sont pour y demeurer, elles subissent de l’âgisme genré, une double discrimination fondée sur leur sexe/genre et leur âge, ce qui peut les pousser vers une retraite anticipée. Alors que le marché du travail doit composer avec une pénurie de main-d’oeuvre, il doit s’adapter aux besoins des femmes qui vivent une transition ménopausique (3.2).

3.1 La pression de l’horloge biologique et la fécondation in vitro[61]

Le sablier de la procréation laisse inexorablement s’écouler le temps et prend tout son sens pour les femmes qui désirent avoir des enfants. Manon Vialle explique bien le caractère tragique de ce sablier pour ces femmes : « Tel un glas, l’horloge sonne immanquablement et marque, toujours trop tôt, une fin, un renoncement de ce qui a été tenu pour acquis durant une période, mais ne l’est plus. Ce glas sépare la vie des femmes en deux et s’accompagne d’un deuil à réaliser, en l’occurrence un deuil de la fertilité[62]. » Leur réserve ovarienne diminue significativement en qualité et en quantité dès l’âge de 35 ans[63] et, par conséquent, leurs chances de mettre au monde un enfant. La FIV, avec ou sans don d’ovules, permet de contourner cette situation jusqu’à un certain point. La notion de ménopause sociale apparaît alors : sans être ménopausées et stériles, des femmes de 42 ans sont considérées comme l’étant d’un point de vue social[64].

L’âge maximal de la femme qui se soumet à la FIV a suscité des débats de toutes sortes[65]. L’âge maximal de l’homme, comme une horloge biologique masculine, qui désire être père a moins retenu l’attention, bien que des études démontrent une diminution de la qualité du sperme avec l’âge[66]. Arrêtons-nous à deux lois qui mobilisent le plafond de l’âge chez les femmes pour accéder aux techniques de PMA.

Le Programme québécois sur la procréation assistée de 2021 impose des limites d’âge aux femmes qui désirent en bénéficier[67] : de 18 ans à 42 ans. Pour les hommes, aucune limite d’âge maximale n’est prévue. On peut penser que la limite d’âge pour les femmes est justifiée par les coûts payés par l’État en regard du taux de succès plutôt bas de la FIV (une naissance vivante) pour les femmes de plus de 42 ans[68]. Le nouveau programme n’interdit pas l’accès à la FIV aux femmes plus âgées. Dans ce cas, l’État ne prendra pas en charge leurs dépenses si elles décident de procéder. En Ontario, le programme étatique fixe l’âge limite pour une FIV à 43 ans[69]. En Israël, le système de santé étatique couvre le traitement de FIV jusqu’au 45e anniversaire de naissance de la femme et jusqu’au 54e anniversaire en cas de donations d’ovules[70].

La Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée (LQPA)[71] ne retient pas clairement un âge maximal pour la femme qui décide de se soumettre au processus de FIV. Au lieu d’imposer une telle limite qui ne tient pas compte des particularités de chaque femme et de l’évolution des connaissances, le législateur s’en est remis au Collège des médecins du Québec. L’article 10 de la LQPA confère à ce dernier le pouvoir d’adopter des lignes directrices en matière de PMA qui portent, entre autres, sur l’âge de la femme qui désire entreprendre des traitements de FIV[72]. Le corps médical doit s’assurer qu’une telle activité n’occasionne pas de risque grave pour la santé de la femme et de l’enfant à naître[73]. Notons que le législateur québécois ne mentionne pas à l’article 10 alinéa 2 de la LQPA comme condition d’accès l’âge de l’homme qui désire devenir père.

Dans le Guide d’exercice sur les activités de PMA, le Collège des médecins aborde plusieurs facteurs de succès de la FIV, dont l’âge de la femme et de l’homme désirant devenir parents par cette technique[74]. Étant donné qu’il ne considère pas comme concluantes les connaissances scientifiques actuelles (2015) sur la qualité du sperme en fonction de l’âge[75], le Collège des médecins ne se prononce pas sur un âge limite chez l’homme. Il soulève cependant la question de l’âge de la femme et de l’homme dans la considération du bien-être de l’enfant à venir[76]. Pour les femmes de moins de 42 ans, il propose des soins de FIV utilisant leurs propres ovules ou un don d’ovules (si médicalement requis). Pour les femmes âgées de 43 à 45 ans, il suggère à ses membres une FIV avec don d’ovocytes ou d’embryons. Pour les femmes de plus de 46 ans, il recommande une évaluation par un comité clinique si les conditions sont jugées favorables par le médecin en vue d’un don d’ovules ou d’un don d’embryons[77]. Il est donc possible qu’une femme de plus de 46 ans ait accès à la FIV, si elle prend à sa charge les coûts.

Il est intéressant de noter que la France, qui a révisé ses lois de bioéthique en 2021, n’exige plus que le couple soit « en âge de procréer » afin de bénéficier d’une assistance médicale à la procréation (pour que les frais soient pris en charge par l’État). Elle permet maintenant l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels, aux couples de femmes ou aux femmes seules. La loi prévoit que les conditions d’âge requises dans le but de bénéficier d’une assistance médicale prennent en considération les risques médicaux de la procréation liés à l’âge et l’intérêt de l’enfant à naître[78]. Selon le Décret n° 2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions d’organisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation[79], la femme peut recevoir un embryon (FIV) ou une insémination artificielle jusqu’à son 45e anniversaire. Quant au membre du couple qui n’a pas vocation à porter l’enfant, il doit être âgé de moins de 60 ans. Pour un prélèvement ou recueil de ses gamètes, en vue d’une assistance médicale à la procréation, la femme ne peut être âgée de plus de 43 ans. Le plafond maximal est fixé à 60 ans pour l’homme[80]. La différence d’âge entre les femmes et les hommes demeure. Les risques pour la santé de la femme peuvent expliquer en partie cette différence d’âge. On peut cependant se demander si les femmes de 43 ans et plus transmettent plus d’anomalies génétiques aux enfants que les hommes de 55 ans. Anne-Marie Leroyer souligne que sur le plan social cette différence temporelle est difficilement justifiable :

Il est ainsi admis que le père soit plus âgé que la mère, alors même cette considération liée à l’éducation n’est pas compensée par celle relative à l’espérance de vie […] En définitive, la décision illustre bien, au-delà des questions relatives à la santé, l’émergence d’un profil culturel des potentiels père et mère, à la fois sur le plan de la procréation et sur le plan éducatif[81]

Ces exemples législatifs encadrant l’âge de la procréation chez la femme participent à la construction de ce que Cécile Charlap a appelé la « ménopause sociale[82] ». Il ne saurait être question ici de nier les connaissances scientifiques ou l’énergie requise pour la grossesse et l’accouchement. Comme le souligne la sociologue Charlap, cette norme (le plafond d’âge) « véhicule, ce faisant, des valeurs quant à l’âge approprié pour mener à bien une grossesse chez les femmes[83] ». Celles-ci ne doivent pas défier cette norme sociale, au risque d’être pointées du doigt en tant que mères trop vieilles et moins aptes. Pourtant, la fécondité après 40 ans a connu une progression en Occident[84]. Si les femmes sont soumises à la pression d’une horloge biologique, qui au coup de minuit transformera leur rêve d’avoir des enfants en citrouille, et à une « ménopause sociale », le marché du travail leur rappelle aussi que leur corps ne répond plus à la norme de la jeunesse.

3.2 Les problèmes de « bonnes femmes » et la discrimination au travail

Si les travailleuses plus jeunes subissent de la discrimination au travail en raison de leur rôle de mère et de la difficile conciliation travail-famille[85], les travailleuses plus âgées en vivent également, même si elles ne prennent plus de congé de maternité et s’absentent moins du travail pour s’occuper de tâches familiales (bien qu’elles poursuivent leurs tâches de proches aidantes auprès des membres de leur famille[86]). Les femmes préménopausées, en transition ménopausique et postménopausées, et qui demeurent actives sur le marché du travail, affrontent une double discrimination en raison de leur âge et de leur sexe/genre (3.2.1). Elles sont perçues comme moins productives, moins flexibles, trop vieilles, mais surtout moins attirantes sur le plan sexuel. Cependant, pour contrer la pénurie de main-d’oeuvre, les employeurs devront enrayer les stéréotypes à l’égard des travailleuses ménopausées jugées trop âgées et adapter le milieu de travail à leurs réalités (3.2.2).

3.2.1 La discrimination âgiste et sexiste

Une recherche jurisprudentielle, menée dans les bases de données québécoises[87], portant sur la discrimination fondée sur l’âge fait ressortir des décisions dans lesquelles des travailleuses, qui semblent trop âgées aux yeux de l’employeur, perdent leur emploi. Les plaignantes font valoir un traitement discriminatoire fondé seulement sur l’âge, puisque la preuve d’un seul motif illicite suffit, si les autres éléments de la poursuite sont par ailleurs réunis. Elles sont certainement victimes de discrimination fondée à la fois sur l’âge et leur sexe/genre ; dans certains cas, l’ethnie peut s’ajouter aux autres motifs. Même si elle est permise, la preuve d’une double discrimination imbriquée, qui reflète les réalités des travailleuses, alourdirait et complexifierait leur fardeau de preuve devant les tribunaux[88]. De plus, ayant conclu à la discrimination sur un motif illicite, un tribunal ne se prononcerait pas sur un autre motif. Cependant, comme le font remarquer Pnina Alon-Shenker et Therese MacDermott, les effets différenciés de l’âgisme envers les femmes dans une société patriarcale qui leur impose un idéal de la jeunesse devraient être considérés par le tribunal pour mieux comprendre les réalités des travailleuses[89].

La discrimination âgiste envers les travailleuses se manifeste de façon subtile[90]. L’employeur justifie sa décision par plusieurs arguments : « préparer la relève[91] », « faire de la place aux jeunes[92] », « enlever les vieux plis[93] » et « amener du sang neuf[94] ». D’autres employeurs sont plus directs : à leur avis, l’employée est trop vieille[95]. Sauf en cas de commentaires clairement âgistes de la part de l’employeur, la preuve de cette sorte de discrimination se révèle difficile à établir[96]. Les décisions répertoriées ne représentent que la pointe de l’iceberg. Au lieu de porter plainte, des travailleuses plus âgées victimes de discrimination, d’un climat de travail malsain ou de dévalorisation ont peut-être soumis leur litige à la médiation, ont pris des congés de maladie ou encore ont quitté leur emploi ou le marché du travail de façon prématurée.

Le phénomène de l’âgisme dans les milieux de travail est bien documenté[97]. Les travailleurs âgés se heurtent à la discrimination lors d’entrevues d’embauche et dans la progression de leur carrière. Selon des idées préconçues, malgré leur expérience, leur fiabilité et leur loyauté, les travailleurs plus âgés sont perçus comme ayant peur du changement, étant plus portés à oublier, n’aimant pas se faire dicter leur comportement par des collègues plus jeunes, éprouvant de la difficulté à apprendre de nouvelles tâches, ne voulant pas travailler de longues heures et préférant ne pas utiliser la technologie. Toutefois, ces stéréotypes ont été contredits dans différentes études[98]. Une fois que les travailleurs plus âgés sont embauchés, les employeurs investissent moins dans leur formation que dans celle des plus jeunes, les empêchant ainsi de s’adapter aux changements technologiques, ce qui les rendra moins efficaces. L’âgisme se manifeste plus tôt dans certains domaines, par exemple celui des nouvelles technologies où un travailleur de 30 ans est déjà perçu comme un « vieux ».

Cependant, l’âgisme sur le marché du travail se décline différemment pour les femmes en intensité et selon le domaine visé[99]. Les travailleuses en font l’expérience pour des motifs différents liés au vieillissement de leur corps et à leur apparence, confirmant la perte de statut des femmes ménopausées. Des études dévoilent que les femmes se heurtent aux stéréotypes de l’âgisme à un âge chronologique plus jeune que les hommes. Ainsi, dans des secteurs de l’emploi traditionnellement occupés par des femmes comme le travail de bureau, d’administration et de réceptionniste, les employeurs considèrent que la travailleuse idéale est âgée de 25 ans et ils ne recrutent pas de femmes pour ces postes au-delà de 45 ans. Dans les secteurs du service à la clientèle, de la vente au détail et en restauration, les employeurs préfèrent des employées jeunes ou qui reflètent une image « jeune[100] ». Selon des études portant sur la perception des travailleuses au sujet de l’âgisme au travail, celles-ci rapportent plus souvent que les hommes l’âgisme comme une barrière pour l’accès au marché du travail, particulièrement pour des travailleuses de 45 à 54 ans, ce qui est plus jeune que chez les travailleurs. L’apparence corporelle joue aussi contre les travailleurs plus âgés dans des domaines demandant plus de force physique, par exemple des opérateurs de machinerie lourde et dans les métiers de la construction. On estime qu’ils sont moins en forme, plus lents et davantage enclins à se blesser. L’âgisme vécu par les travailleuses plus âgées se présente différemment de celui que subissent leurs collègues masculins. Paradoxe intéressant : les femmes vivent plus longtemps que les hommes[101], mais vieillissent plus vite qu’eux. Toni Calasanti explique bien la différence entre la perception du corps vieillissant des hommes et des femmes, et la double stigmatisation (effet combiné de l’âge et du sexe/genre) pour les travailleuses : « For women, appearance in terms of sexual attractiveness prevails ; for men, appearance means looking like one can “perform”[102]. »

Si le sexe/genre doit être pris en considération dans l’analyse de la discrimination que les femmes âgées subissent au travail, la classe et l’ethnie doivent être ajoutées à l’équation. Des études démontrent que les femmes âgées des classes défavorisées éprouvent encore plus de difficulté à demeurer sur le marché du travail ou à se trouver un emploi[103].

La discrimination âgiste et sexiste que doivent affronter des travailleuses a des répercussions sur la pénurie de main-d’oeuvre.

3.2.2 Des mesures d’adaptation du milieu de travail

Depuis quelques années, le marché du travail subit de profondes transformations, dont une main-d’oeuvre vieillissante[104] et de plus en plus rare. Pour contrer cette situation, les gouvernements ont adopté des mesures afin de garder en activité sur le marché du travail les travailleurs et les travailleuses d’un certain âge[105]. Si la rétention des travailleuses fait partie de la solution[106], les milieux de travail doivent s’adapter aux besoins de celles qui vivent une transition ménopausique ou qui sont en postménopause.

Plusieurs études ont analysé les réalités des travailleuses au cours de cette période de leur vie[107]. Bien que les expériences des femmes en transition ménopausique ou ménopausées soient très différentes de l’une à l’autre, l’importance et le caractère incapacitant des symptômes ont des conséquences négatives sur leur intérêt et leur satisfaction au travail, leur volonté de conserver leur emploi, sans oublier leur loyauté envers l’employeur.

Les travailleuses en transition ménopausique ou ménopausées interviewées dans une étude australienne[108] ont affirmé vivre de la discrimination au travail en raison de leur âge. Elles ont relaté les messages implicites ou explicites des organisations, des gestionnaires ou de leurs collègues au sujet de la valeur moindre des femmes ménopausées ou perçues comme ménopausées, ce qui a eu un effet important sur leur loyauté envers le milieu de travail et sur leur estime personnelle. Ces femmes ont mentionné leur invisibilité au travail. Elles ont préféré taire leurs problèmes de santé découlant de la ménopause en raison de leur peur d’être désavantagées dans l’avancement de leur carrière. Ainsi, elles alimentaient indirectement le tabou sur ce sujet. Le silence entourant la ménopause témoigne de la perception plus large du corps des femmes et de leur présence dans des cultures du travail pensées en fonction des hommes, ce qui sert à renforcer les différences genrées.

Un changement des mentalités s’avère nécessaire dans les milieux de travail qui doivent offrir de l’aide aux travailleuses pendant leur transition ménopausique ou leur postménopause. Chaque employeur a d’ailleurs l’obligation d’assurer la sécurité et le bien-être de ses employées[109].

La littérature rapporte cinq changements d’importance demandés par les travailleuses en ménopause à leur organisation pour améliorer leur situation[110]. Elles ont mentionné :

  • une plus grande sensibilisation des gestionnaires à la ménopause en tant que problème possible de santé au travail ;

  • des heures de travail flexibles ;

  • des renseignements ou des conseils de l’employeur sur la ménopause et la façon de s’adapter au travail ;

  • une meilleure ventilation et une meilleure climatisation dans l’environnement de travail habituel ;

  • un soutien informel pour celles qui traversent la ménopause.

Les études ici consultées démontrent que les travailleuses subissent de la discrimination non pas en raison de leur âge chronologique ou de leurs incapacités à remplir leurs fonctions, mais parce qu’elles sont catégorisées comme « trop vieilles ». Les stéréotypes à l’égard de l’image et du corps des femmes vieillissantes sont mobilisés. Par la jurisprudence répertoriée, le droit laisse voir la « vieille femme ». Il offre certes des outils pour contrer la discrimination, mais qui ne peuvent régler l’âgisme et le sexisme systémiques.

Conclusion

La ménopause, telle que socialement et médicalement construite, marque l’entrée dans la « vieillesse » pour les femmes et une perte de statut, ce qui n’est pas le cas pour les hommes. Pourtant, ils vivent aussi l’andropause, période au cours de laquelle une baisse de la testostérone se produit. Les deux exemples retenus en droit québécois présentent les femmes comme trop « vieilles » à la fois pour le travail de procréation et le travail de production. Dans les deux cas, la « vieillesse », ou ce qui est perçu en ce sens, s’articule autour du corps des femmes et de leurs capacités procréatives.

En matière de PMA, le plafond de 42 ans imposé aux femmes qui veulent profiter du Programme québécois sur la procréation assistée pour accéder à la FIV et devenir mère envoie le message que les mères de 42 ans sont vieilles ou, en tout cas, que ce n’est pas l’âge idéal pour aborder la maternité. Pour ma part, je ne mets pas en doute le bien-fondé des connaissances médicales dans le domaine et des risques de la grossesse chez les femmes de cet âge, mais j’estime qu’il faut examiner la manière dont l’image de la mère est façonnée par la médecine et reprise par le droit. Malgré les études scientifiques qui démontrent la baisse de la qualité du sperme avec l’âge, aucune limite d’âge n’est imposée aux hommes qui veulent entreprendre un parcours procréatif. Le père de 60 ans serait-il un meilleur parent qu’une mère de 42 ans ? Par cette différence temporelle, ne reproduit-on pas l’obligation pour les femmes d’être jeunes ?

Bien que la discrimination au travail fondée sur le sexe/genre et l’âge existe, peu de travailleuses qui en sont victimes semblent recourir aux tribunaux pour obtenir justice. Les motifs de ces femmes pour ne pas porter plainte devraient être explorés. La question de la ménopause et des adaptations nécessaires au travail demeurent un tabou. Les femmes subissent de la discrimination au travail en raison des préjugés qui entourent leurs capacités procréatives, peu importe leur âge.

Le double standard auquel sont soumises les femmes qui ne répondent plus à l’image de la jeunesse éternelle et de la femme féconde leur interdit le droit de vieillir dans le respect, comme le mentionnaient Maryse Jaspard et Michèle Massari[111], dans une société où la population vieillissante augmente et où ce sont les femmes qui jouissent de la plus grande espérance de vie.