Comptes rendus

Gisèle Sapiro, dir. Translatio. Le Marché de la traduction en France à l’heure de la mondialisation. Paris, CNRS éditions, collection « Culture et société », 2008, 430 p. [CNRS Éditions : 15, rue Malebranche – 75005 PARIS France.][Notice]

  • Jean-Marc Gouanvic

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  • Jean-Marc Gouanvic
    Université Concordia

La publication de ce livre réalisé sous la direction de Gisèle Sapiro doit être saluée. Consacré à l’analyse sociologique de la traduction en France de 1980 à 2004, il constitue une somme de réflexions sur la traduction en et du français (intraduction et extraduction) à une période cruciale de la mondialisation des marchés de traduction et sur la place du français sur le marché international du livre. G. Sapiro pose d’emblée l’une des questions-clés : « La mondialisation favorise-t-elle les échanges culturels internationaux et l’hybridation des cultures ou est-elle avant tout l’expression d’un impérialisme économique qui s’accompagne d’une hégémonie culturelle? » (p. 7). La mondialisation repose en partie sur l’accroissement des flux de traduction, ce qui a pour effet une intensification du dialogue entre les cultures par-delà les différences et les divergences culturelles. Mais qu’entend-on par « traduction »? Les chercheurs ont choisi de prendre « traduction » « au sens restreint qui suppose un travail spécifique, qui requiert des compétences et un coût en temps, ainsi qu’en argent, depuis que cette activité s’est professionnalisée » (p. 8). Prise dans ce sens, la traduction est régie par les lois du marché international, lequel a des logiques, des instances, des agents et une économie qui lui sont propres. Sur ces bases, l’analyse est effectuée en trois sections principales (I : Flux de traduction et hiérarchie des langues; II : Littératures étrangères; III : La traduction comme vecteur des échanges culturels) et quatorze chapitres répartis à peu près également entre les trois sections, suivis d’une bibliographie socio-historique de la traduction. Ces chapitres portent sur les Vecteurs des échanges culturels internationaux (Johan Heilbron et G.S.), l’Analyse des flux de traductions et la construction de bases de données (Anaïs Bokobza et G.S.), la Situation du français sur le marché mondial de la traduction (G.S.), Traduire les sciences humaines et sociales : logiques éditoriales et enjeux scientifiques (G.S. et Ioana Popa) (Première partie). Les chapitres de la Deuxième partie abordent l’Essor des traductions littéraires en français (G.S. et Anaïs Bokobza), les Collections de littérature étrangère (G.S.), la Vague de la littérature italienne (Anaïs Bokobza), Du réalisme magique à la récupération de la mémoire historique – littérature traduite de l’espagnol (Sandra Poupaud), D’une circulation politisée à une logique de marché – importation des littératures d’Europe de l’Est (Ioana Popa), la Légitimation d’un genre : la traduction des polars (Anaïs Bokobza). La Troisième partie aborde des cas précis (principalement nationaux) de traduction : Échanges culturels entre la France et les Pays-Bas face à l’hégémonie de l’anglais (Johan Heilbron), Entre littérature populaire et belles-lettres : asymétrie des rapports franco-finlandais – 1951-2000 (Yves Gambier), les Flux de traduction entre le français et l’arabe depuis 1980 (Richard Jacquemond), De la construction identitaire à la dénationalisation : les échanges intellectuels entre la France et Israël (G.S.). « Pour comprendre la traduction comme pratique sociale et comme vecteur des échanges culturels internationaux, note Gisèle Sapiro (p. 43), il est nécessaire de réintégrer dans l’analyse tous les acteurs – individus et institutions – qui en sont partie prenante. » Or, ce qui détermine la traduction et ses agents, c’est que la pratique est fondée sur la hiérarchisation de l’espace où elle a lieu, selon une logique triple : politique, économique et culturelle. Le marché mondial de la traduction est structuré autour d’une opposition entre un pôle de grande production et un pôle de production restreinte, selon la célèbre distinction de Pierre Bourdieu. La grande production est occupée par des biens symboliques qui visent la consommation immédiate (sur le modèle des best-sellers) et la production restreinte vise la constitution d’un fonds à rotation …

Parties annexes