Revue critique

SUR UNE INVRAISEMBLABLE RENCONTRE (Jean 4,4-42)[Notice]

  • Michel Gourgues

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  • Michel Gourgues, o.p.
    Faculté de théologie, Collège universitaire dominicain, Ottawa

Tel que formulé dès la seconde phrase de l’introduction, le propos de l’ouvrage de Pierre Coulange, qui vient de paraître dans la collection Lectio divina, apparaît assez ambitieux : « Cette étude se propose de fournir une nouvelle interprétation de l’histoire de la Samaritaine (Jn 4, 1-42) au moyen d’une lecture rigoureuse du texte de l’évangile selon saint Jean. » (p. 7) La fin du même paragraphe fait cependant état d’un « objectif plus modeste : relire simplement le récit en tenant compte de l’énorme masse d’articles et d’ouvrages parus sur la question ». L’introduction précise en finale qu’à la différence de cette profusion d’études, d’articles et de communications portant en général sur tel ou tel aspect particulier du récit, on vise ici à produire « une étude globale sur le projet narratif du Jean », un travail de synthèse « vérifiant la cohérence de toutes ces observations, tout en procédant à une lecture rigoureuse et attentive du texte » (p. 25). Selon la démarche adoptée, celui-ci n’est pas abordé verset par verset comme dans un commentaire, mais selon une subdivision d’ordre thématique, en fonction des dialogues et de leur contenu. Ainsi, après un premier chapitre sur Jn 4,1-6 décrivant les circonstances de temps, de lieux et de personne – Jésus, qui sera le seul à se maintenir en scène tout au long du récit, s’y trouve seul mentionné –, les sept suivants abordent successivement les trois étapes, de plus en plus ramassées, des rencontres de Jésus, en traitant séparément ce qui provoque et amorce les dialogues et les dialogues eux-mêmes. La rencontre avec la Samaritaine (4,7-26), dont le récit est le plus élaboré, fait ainsi l’objet de quatre chapitres (2-5) totalisant près de 120 pages, tandis que les deux chapitres (6-7) consacrés à l’échange avec les disciples (4,27-38) et celui (8) sur la rencontre finale avec les Samaritains (4,39-42) ne recouvrent à eux trois que 24 pages. À cela s’ajoute en finale un chapitre 9 d’une trentaine de pages portant sur la réception ou « les échos du texte de la Samaritaine dans la littérature et les arts » (p. 195). Origène et Jean Chrysostome sont retenus comme représentants de la tradition grecque, Augustin et Thomas d’Aquin de la tradition latine. Deux brefs développements sur les échos liturgiques de part et d’autre sont suivis d’extraits d’auteurs spirituels, en l’occurrence Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, puis Jean Vanier pour l’époque contemporaine. L’esquisse dans le domaine des beaux-arts se borne à commenter en deux pages, parmi une quantité d’oeuvres des 17e et 18e siècles signalées à la p. 224 (note 3), un tableau de Philippe de Champaigne (1602-1674) exposé au musée des beaux-arts de Caen. Au terme de l’étude, la conclusion souligne, parmi les « résultats majeurs » ressortant de l’exploration du récit : la profondeur théologique dans l’évocation de réalités spirituelles et le dévoilement progressif de l’identité de Jésus comme Messie et Sauveur du monde ; parallèlement, la révélation de l’identité profonde de l’interlocutrice de Jésus, non plus « comme une femme de mauvaise vie mais plutôt comme une personne, certes en situation irrégulière, mais habitée par des questions fondamentales qu’elle ose enfin exprimer » (p. 228) ; la restauration de cette femme dans sa dignité, fruit d’ « une pédagogie exceptionnelle faite de douceur, de perspicacité, de prévenance » (p. 230) ; le foisonnement de la symbolique en écho à celle de l’Ancien Testament, et notamment l’évocation d’une symbolique nuptiale. Il faut noter, parmi les richesses de cette étude, les synthèses sur l’état de la recherche que contiennent en particulier les quatre chapitres les …

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