Comptes rendus

Gilles Pronovost, Temps sociaux et pratiques culturelles, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2005, 180 p. (Temps libre & culture.)[Notice]

  • Jacques Hamel

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  • Jacques Hamel
    Département de sociologie,
    Université de Montréal.

Voici un petit volume qui illustre parfaitement l’expression consacrée : « mine d’informations ». Temps sociaux et pratiques culturelles de Gilles Pronovost se révèle en effet une mine d’informations pour qui étudie, applique ou « gère » la culture conçue sous l’angle des pratiques culturelles et du temps qui leur sont dévolus. Quiconque envisage le sujet à l’université ou au cégep y trouvera précisément la matière pour élaborer un exposé ou entreprendre une recherche. Les dirigeants politiques et les figures de proue des industries culturelles – de René Angélil à Guy Laliberté, sans oublier Alain Simard qui vient de subir un cuisant échec en s’aventurant sur le terrain du cinéma sans manifestement connaître les « données » appropriées du chapitre « le public québécois du cinéma » (p. 33-46) ! – y trouveront des portraits riches et nuancés des habitudes et des pratiques culturelles des publics qui consacrent leur temps au cinéma, à la lecture, à la télévision, etc. Les lecteurs auront également le loisir – l’expression est bien choisie – de parcourir des tableaux comparatifs Québec/France et États-Unis propres à leur fournir une vue d’ensemble des ressemblances, des différences et des contrastes en la matière. Gilles Pronovost scrute les données à la loupe, les soupèse, les compare sans dissimuler leurs limites et leurs inéquations. D’entrée de jeu, l’auteur met cartes sur table. En effet, les brèves lignes de la présentation ne cachent pas que l’ouvrage se compose d’articles déjà parus et, en maints cas, récemment. Pourquoi, dès lors, les publier à nouveau sous la forme de ce recueil ? Pour que celui-ci fasse office de mine d’informations en réunissant sous une même couverture des données sur l’ensemble des pratiques culturelles qui, combinées les unes aux autres, dressent un état des lieux impossible à établir en tant qu’articles séparés et rédigés au fil des circonstances ou de la demande sociale. D’autre part, Gilles Pronovost n’hésite pas à souligner, dès les premières pages de son ouvrage, que « presque tous les chapitres qui composent celui-ci s’appuient sur des données empiriques » (p. 1). En effet, en ces pages, les lecteurs ne verront pas à l’oeuvre les théories de haut vol de Pierre Bourdieu sur la distinction révélée par l’« anatomie du goût », ni celles de Bernard Lahire qui, inversement, cherchent à montrer que la culture des individus ne constitue pas forcément un vecteur de différenciation sociale. L’auteur ne les ignore toutefois pas en examinant les données. Loin d’être un empiriste de stricte obédience, il n’est pas dupe face aux « enquêtes de participation » ou d’« emploi du temps » savamment élaborées, mais maintes fois sur la base du « domaine de compétence ou du champ d’intérêt de leurs commanditaires ». Si les précautions sont effectivement de mise sur le plan méthodologique, ces mêmes enquêtes sous-tendent des théories sujettes à prudence tant elles renferment « des biais culturels », pour ne pas dire une « représentation culturelle de la culture » (p. 12). Gilles Pronovost les débusque, les explicite et y remédie en montrant sur pièces les différences entre les nomenclatures et les dénominations utilisées d’un pays à l’autre, sinon d’une enquête à l’autre, afin de désigner et de cerner les activités culturelles et l’emploi du temps que comporte le menu des individus dans leur « temps libre » modulé selon l’âge. En raison de leur âge, les activités des jeunes sont riches en pratiques culturelles tandis que, à l’inverse, et contrairement au lieu commun, retraite précoce et temps libre ne font pas nécessairement bon ménage comme le montre l’analyse comparative des cas français et québécois dans le chapitre …