Recensions

Tom Dannenbaum, The Crime of Aggression, Humanity, and the Soldier, Cambridge, Cambridge University Press, 2018[Notice]

  • Amélie Gravel

Bachelière en droit, LL.B., Université du Québec à Montréal.

Le crime d’agression, formulé en 1950 par la Commission de droit international dans les Principes de Nuremberg, a été un sujet d’intérêt de la Conférence de révision du Statut de Rome, qui s’est tenue à Kampala en 2010. Bien que de multiples facettes de l’infraction qu’il constitue en droit pénal international aient fait l’objet de discussions, un aspect était absent de leur ordre du jour : le traitement des soldats combattant pour les États agresseur et attaqué. Dans son tout premier livre, Tom Dannenbaum, professeur adjoint de droit international à la Fletcher School of Law and Diplomacy (Tufts University au Massachusetts), souhaite sensibiliser ses lecteurs au sort de ces soldats. Cet ouvrage s’inscrit dans ses travaux portant sur la criminalisation de la guerre d’agression, dont l’article « Why Have We Criminalized Aggressive War? » paru en 2017 dans le Yale Law Journal a remporté le prix Francis Lieber, remis à l’auteur d’une publication exceptionnelle dans le domaine du droit des conflits armés. Dans cet ouvrage, il énonce la thèse selon laquelle l’élément faisant de l’agression un crime est non pas l’acte illicite qui marque le début du conflit, mais plutôt la « tuerie injustifiée » (unjustified killing) qui en découle. Il soutient que les soldats qui combattent pour l’un ou l’autre des deux camps impliqués dans le conflit sont les « premières victimes » (primary victims) en raison du risque de mourir aux mains de l’État agresseur ou en combattant pour celui-ci, alors que le conflit n’aurait jamais eu lieu d’être. En conséquence, il propose la mise en oeuvre de mécanismes de protection de la désobéissance pour refus de prendre part aux guerres injustifiées et la reconnaissance du statut de victime des soldats impliqués dans de tels conflits. Pour arriver à cette conclusion, il remet en question l’état du droit international relativement au crime d’agression et à la situation des membres des forces armées dans ce contexte. Son analyse tient en onze chapitres, divisés en trois grandes parties. La première partie (chapitres 1 à 3) vise à établir le cadre normatif du crime d’agression et du traitement réservé aux soldats par le droit international. La deuxième (chapitres 4 à 8) tente de trouver un sens moral au droit applicable aux militaires des deux camps. Quant à la troisième partie (chapitres 9 à 11), elle démontre la nécessité de procéder à une réforme et propose des pistes de solution pour assurer le respect des droits des soldats appelés à combattre dans des conflits illégaux. Dès la première partie, l’auteur remet en question l’état du droit actuel en ce qui a trait à la définition même du crime ainsi que ses impacts. Alors que les États sont considérés, par la jurisprudence et la doctrine, comme victimes du crime d’agression par le fait de l’atteinte portée à leur souveraineté, pour Dannenbaum, il en est tout autrement. Il est d’avis que l’agression est criminelle non pas en raison de l’acte illégal qui déclenche le conflit armé, mais plutôt de l’usage de la force menant à une tuerie injustifiée. Les véritables victimes seraient donc, selon lui, les personnes blessées ou tuées dans ce contexte, soit les soldats. Il critique le traitement accordé par le droit international aux militaires des deux camps. D’un côté, les soldats de l’État agresseur « are required on pain of criminal punishment to kill in service of the criminal end » sans possibilité de bénéficier d’une protection s’ils désobéissent en refusant de combattre dans le conflit illégal. De l’autre, la Cour pénale internationale (CPI) ne reconnaît pas le statut de victime aux soldats de l’État attaqué …

Parties annexes