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La désindustrialisation : une fatalité ?, Dirigé par Jean-Claude Daumas, Ivan Kharaba et Philippe Mioche (2017) Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté, 266 pages. ISBN : 978-2-84867-583-1[Notice]

  • Yves Blanchet

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  • Yves Blanchet, Ph D.
    École de relations industrielles, Université de Montréal

À partir d’une perspective historique, les auteurs de cet ouvrage collectif s’intéressent, non seulement à la chronologie et aux causalités, mais aussi à la divergence des trajectoires de la désindustrialisation. L’accent est mis sur les territoires, leurs ressources et les stratégies des acteurs face à ce phénomène. Comme le souligne le titre, l’intention des historiens est de contester le fait que ce processus soit perçu comme une fatalité. Les auteurs tentent de montrer, à l’aide de récits historiques basés sur des archives, des trajectoires divergentes de la désindustrialisation. Cet ouvrage s’inscrit dans le champ de la réflexion où le phénomène est plutôt analysé comme un processus en mouvement perpétuel. Les douze chapitres de ce volume présentent, de manière inégale, des trajectoires différentes de politiques industrielles et de désindustrialisation de territoires situés en France ou dans d’autres pays européens, incarnés dans des cas d’industries. Le premier chapitre dresse un portrait historique de l’évolution des politiques industrielles en France. L’auteur questionne le rôle des acteurs politiques et leurs interactions dans un enchainement de mauvais choix et de mauvaises décisions concernant l’élaboration et l’implantation des politiques industrielles, lesquelles auraient façonné la trajectoire de la désindustrialisation en France. L’auteur compare la désindustrialisation qui sévit en France à celles de d’autres pays européens, lesquels semblent mieux se tirer d’affaire. Le chapitre conclut que la désindustrialisation n’est pas nécessairement une fatalité : toutefois, si l’on veut éviter la fatalité, il faut que les acteurs élaborent une politique de réindustrialisation qui soit ambitieuse, cohérente et mobilisatrice, ce qui n’est pas toujours le cas. Les chapitres 2 et 3 nous rappellent les conséquences de la désindustrialisation en France et au Royaume-Uni grâce à des témoignages de drames humains qui démontrent l’effritement des liens sociaux et la perte des identités industrielles et communautaires des deux côtés de La Manche. Au chapitre 4, l’auteur souligne l’ampleur de la désindustrialisation en Italie, phénomène qui semble pouvoir être attribué aux grandes entreprises qui n’ont pas su s’adapter aux nouvelles réalités, ainsi qu’aux forces politiques qui n’ont pas instauré un cadre normatif et institutionnel pour promouvoir le secteur industriel. Par conséquent, les faiblesses structurelles des politiques italiennes retardent l’investissement dans la technologie et le capital humain, ce qui n’est pas positif pour l’avenir de l’industrie. Selon Segreto, il faudra un grand changement de culture de la part des entrepreneurs et de la classe politique italienne pour renverser la tendance de désindustrialisation, ce qui s’impose si l’Italie souhaite maintenir les niveaux de vie de ses travailleurs. Au chapitre 5, l’auteur nous présente une comparaison de processus de désindustrialisation de l’industrie minière et sidérurgique dans deux territoires limithropes : le Grand-Duché du Luxembourg et la Lorraine. L’auteur démontre comment ces deux territoires, qui ont subi les mêmes difficultés économiques et des restructurations d’entreprises, ont géré différemment la désindustrialisation. Une des explications de cette divergence repose sur le fait que, contrairement à la Lorraine, l’État du Luxembourg a diversifié son économie, par exemple grâce au développement du secteur bancaire via des exonérations fiscales dès les années 1960, alors que l’économie était en pleine expansion. Lorsqu’arriva la crise de l’acier et de la sidérurgie dans les années 1975-1985, le Luxembourg a donc été moins dépourvu que la Lorraine. De plus, ironie du sort, son secteur tertiaire attire maintenant de plus en plus de travailleurs frontaliers de la Lorraine. Au chapitre 6, l’auteur illustre comment la Communauté économique européenne (CEE) impose un programme de restructuration de l’industrie de l’acier dans ses neuf pays membres devant l’ampleur de la crise de 1977-1984. L’objectif était de réduire l’impact de la désindustrialisation par un cartel régulé par les pouvoirs publics (CEE) …