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Travail et subjectivité : perspectives critiques, Par Daniel Mercure et Marie-Pierre Bourdages-Sylvain (2017) Québec : Presses de l’Université Laval, Collection Sociologie contemporaine, 334 pages. ISBN : 978-2-7637-3231-2[Notice]

  • Guelmbaye Ngarsandjé

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  • Guelmbaye Ngarsandjé
    Doctorant en relations industrielles, Université Laval, Québec, Canada

La sollicitation des salariés à la performance, ainsi que le désir d’efficacité et d’efficience de la part des gestionnaires, ont conduit à des changements notables dans la gestion des ressources humaines. Le souhait affirmé « d’humaniser le travail », la mondialisation, la concurrence internationale, ainsi que la financiarisation de l’économie amènent les gestionnaires et les employeurs à déployer de plus en plus de moyens et d’outils dans le but d’atteindre les objectifs des entreprises auxquels ils souhaitent que les travailleurs adhèrent. Afin d’accroître le rendement du capital financier, on sollicite davantage la dimension psychologique des travailleurs dans le procès de travail, bien qu’en parole, l’on déclare mettre l’emphase sur le capital humain. Malgré les bonnes intentions affichées par les innovations dans les pratiques managériales, l’écart entre le discours et la réalité s’avère très grand et ce sont les travailleurs qui, actuellement, en paient le prix. Les auteurs de cet ouvrage montrent comment les changements sociaux, économiques, politiques et culturels affectent les travailleurs, non seulement dans leur sphère professionnelle, mais également dans leur vie privée. La sollicitation de la part du management va au-delà du savoir-faire pour également mobiliser le savoir-être des travailleurs, ce qui peut entraîner des impacts psychologiques négatifs. L’oeuvre comporte cinq parties et comprend quatorze chapitres. La première partie (soit trois chapitres) s’efforce d’analyser les transformations du capitalisme, tandis que la deuxième partie (soit deux chapitres) scrute le management contemporain et le compare au fordisme et au taylorisme. Les trois chapitres de la troisième partie s’intéressent au contrôle et au pouvoir qu’exerce le management contemporain, tout en prenant en compte les changements numériques. Enfin, les auteurs des quatrième et cinquième parties analysent le comportement des travailleurs face au nouveau management considéré comme « hypermoderne ». Dans la première partie, les auteurs font le bilan de l’évolution des grands changements en management. C’est ainsi que Boyer, dans le premier chapitre, analyse la métamorphose du capitalisme et ses effets sur les modes de gestions des salariés. Il identifie trois configurations du travail depuis la Deuxième Guerre mondiale qui correspondent à trois phases du capitalisme. En passant du capitalisme industriel au capitalisme financier avide de rendement, l’économie a entraîné des effets pervers dans la gestion du travail. Il en résulte que le management contemporain fait face à un dilemme qui est celui de créer « stress pour les actifs et exclusion pour les chômeurs » (p. 37). Mercure, dans le deuxième chapitre, démontre que le travailleur a, au travail, été successivement l’agent, l’acteur assigné et le sujet autorégulé. La subjectivité du management moderne s’appuie sur une hyper-responsabilisation des salariés qui doivent s’identifier aux objectifs de l’entreprise, voire à l’entreprise elle-même, entrant ainsi « dans un monde [du travail] de plus en plus dangereux pour [leur] intégrité psychologique » (p. 63). Martuccelli boucle cette partie en traitant du caractère ancien de la subjectivité. Toutefois, la nouvelle forme de la sollicitation de la subjectivité transcende l’ancienne forme « volontaire » par le biais d’une coercition insidieuse à travers l’éthique, l’identité et l’aliénation du travailleur. Ceci crée d’autres formes de vulnérabilités mentales chez les travailleurs. Dans la deuxième partie, les auteurs rappellent les limites des anciens modes de management, ainsi que l’opposition qu’ils ont connue. La période actuelle fait face à des changements de paradigmes dans le management et est renforcé par des phénomènes et des évènements majeurs, tels les bulles Internet et financières, sans oublier la montée du concept de la responsabilité sociale des entreprises, les perversions de la mondialisation, les inégalités sociales et les changements climatiques. Bourdages-Sylvain, dans le cinquième chapitre, effectue une analyse de la littérature académique sur les régimes de …