Symposium

Les nouvelles frontières de la relation d’emploiNew Frontiers of the Employment Relationship[Notice]

  • Martine D’Amours,
  • Yanick Noiseux,
  • Christian Papinot et
  • Guylaine Vallée

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  • Martine D’Amours
    Professeur, Département des relations industrielles, Université Laval, Québec, Québec
    Professor, Département des relations industrielles, Université Laval, Québec, Québec
    martine.damours@rlt.ulaval.ca

  • Yanick Noiseux
    Professeur, Département de sociologie, Université de Montréal, Montréal, Québec
    Professor, Département de sociologie, Université de Montréal, Montréal, Québec
    yanick.noiseux@umontreal.ca

  • Christian Papinot
    Professeur, Département de sociologie, Université de Poitiers, Poitiers, France
    Professor, Département de sociologie, Université de Poitiers, Poitiers, France
    christian.papinot@univ-poitiers.fr

  • Guylaine Vallée
    Professeur, École de relations industrielles, Université de Montréal, Montréal, Québec
    Professor, École de relations industrielles, Université de Montréal, Montréal, Québec
    guylaine.vallee@umontreal.ca

De manière croissante, le travail contemporain s’effectue, non plus dans le cadre de la relation d’emploi classique entre un salarié et un employeur, mais au sein de nouvelles configurations organisationnelles, souvent qualifiées d’atypiques ou de non traditionnelles (Bernier, Vallée et Jobin, 2003). Ces nouvelles configurations organisationnelles, qui transforment les rapports sociaux du travail et de l’emploi, s’inscrivent ainsi dans une dynamique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail (Durand, 2004), s’appuyant sur une stratégie d’externalisation des tâches hors de l’entreprise, dont les contours mêmes deviennent de plus en plus flous. Pour répondre aux injonctions contemporaines du capitalisme financier, la mondialisation des systèmes productifs (Plihon, 2006) se déploie en différentes stratégies d’entreprises : des opérations de fusions-acquisitions visant des gains de productivité et une baisse des coûts du travail grâce à une réduction des effectifs salariés; des délocalisations par le biais de réseaux de filiales et de sous-traitants des entreprises transnationales vers des pays où la main-d’oeuvre est bon marché et moins protégée; un « re-engineering » des chaînes de valeur et un recentrage sur les métiers de base de l’entreprise, ce qui conduit à délaisser les activités dont la rentabilité est inférieure aux normes internationales exigées par les investisseurs et à externaliser la production de certains produits ou services susceptibles d’être fabriqués d’une manière plus compétitive par des entreprises sous-traitantes (Weil, 2014). Ces nouvelles configurations organisationnelles impliquent, notamment, le recours à la sous-traitance et au franchisage, au travail en intérim — souvent obtenu par l’entremise d’une agence de location de personnel —, ou encore au travail indépendant ou « faussement indépendant », voire même par l’octroi de micro-contrats de durée extrêmement courte dans ce que l’on convient désormais d’appeler la « gig-économie » (Scholz, 2016). On a pu, par exemple, observer ainsi le développement de l’externalisation de la gestion des ressources humaines vers des agences de location de personnel qui peuvent même devenir dans certains secteurs d’activités industrielles « le canal exclusif de recrutement pour tout emploi d’opérateur » (Gorgeu et Mathieu, 2009 : 42; de Tonnancour et Vallée, 2009; Papinot, 2013). Dans ces nouvelles configurations, il est fréquent que les travailleurs, qu’ils soient salariés ou indépendants, subissent les effets du contrôle d’une organisation qui n’a pas à leur égard le statut juridique et les responsabilités de l’employeur (Rubery et al., 2002). On assiste, dès lors, à un éclatement de la figure de l’employeur : l’employeur « de fait », qui exerce un contrôle sur le contenu et les conditions de travail, n’est plus nécessairement l’employeur juridique de qui relèvent la responsabilité de la protection sociale et le rôle de vis-à-vis patronal dans le cadre de la négociation collective. Ces configurations organisationnelles ont ainsi pour effet de modifier la relation d’emploi « classique » et bipartite qui, telle qu’elle s’est consolidée dans la deuxième moitié du 20e siècle, du moins en Occident, est caractérisée par un échange entre acceptation d’une subordination préalablement définie et circonscrite et assurance d’un filet de sécurité fondé sur les mécanismes de la solidarité collective (qu’il s’agisse de l’assurance sociale, des règles de protection du travail et de l’emploi), où l’instance qui contrôle le travail assume également le risque économique et la responsabilité de la protection (Supiot, 2004 : 70). Ces nouvelles configurations organisationnelles s’accompagnent de transformations dans la mobilisation du travail. La multiplication d’emplois dits « atypiques » — emplois à temps partiel, temporaires ou occasionnels, parfois hors des lieux physiques de l’entreprise, souvent cumulés — génère des disparités de traitement suivant le statut d’emploi sur le marché du travail, mais aussi au sein des entreprises, ce qui met à …

Parties annexes

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