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Normes sociales, droit du travail et mondialisation : confrontations et mutations, par Marie-Ange Moreau, Paris : Dalloz, 2006, 461 p., ISBN 2-247-06950-9.[Notice]

  • Pierre Verge

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  • Pierre Verge
    Université Laval

Parmi tous ces ouvrages contemporains consacrés à l’impact de la mondialisation sur le travail et sa régulation, celui que vient de publier la professeure Marie-Ange Moreau, titulaire de la Chaire de droit social à l’Institut universitaire européen de Florence, occupera une place bien distincte, ne serait-ce que parce qu’il nous livre une réflexion d’ensemble d’un seul et même auteur sur cet ample et mouvant phénomène. Bref, une « analyse générale des liens entre normes sociales, droit du travail et mondialisation » (p. 16) de nature à permettre de visiter les lieux, de différents niveaux, d’élaboration de ces normes et de ce droit, de dégager leur interrelation et de tenter de déceler les orientations de cet ensemble. Un chapitre préliminaire dégage notamment les caractéristiques les plus significatives de la mondialisation sur le plan social, dont le développement du commerce international et celui des entreprises multinationales. L’activité et les stratégies de ces dernières sont transnationales; les réponses des acteurs sur le plan social doivent être commensurables. Articulation dès lors de règles allant du niveau local au niveau global; un contexte de « pluralisme normatif » s’impose. La première partie de l’ouvrage explore, en les confrontant, les différents modes de régulation du travail, les différents mécanismes de protection des travailleurs dans cette économie mondialisée. Concurrence des autorités normatives en premier lieu : entre systèmes nationaux (phénomène du dumping social); entre différents niveaux de régulation : national (remise en cause du rôle de l’État; pressions exercées sur la négociation collective au niveau national); régional (supranationalité régionale de l’Union européenne, comparée aux accords multinationaux dans les Amériques (MERCOSUR, CARICOM et surtout ceux liant les États-Unis et le Canada, dont l’ANACT)); les institutions internationales, au premier chef desquelles l’OIT (examen de sa récente évolution politique, que traduisent en particulier sa Déclaration des principes et droits fondamentaux du travail et son suivi de 1998 et sa politique générale de promotion du « travail décent »). Confrontation, en deuxième lieu, des techniques de régulation; il y va ici de la coexistence des normes de hard law et celles, plus diversifiées et typiquement plus vaporeuses, dites de soft law. Elle conduit à l’examen, relativement détaillé, des techniques d’harmonisation des normes sociales dans l’Union européenne et de la stratégie européenne de l’emploi, de même qu’à une évocation des procédés de coopération interétatique dans le cadre de l’ANACT (ALÉNA), en l’absence alors de « [toute] préoccupation de gouvernance au niveau de l’espace économique [correspondant] » (p. 167). Il faut aussi tenir compte des techniques de régulation développées au sein même de l’entreprise transnationale, soit unilatéralement (codes de conduite), soit avec le concours d’un élément syndical (accords-cadres transnationaux d’entreprise) : la construction est ici, horizontalement, à la mesure de l’entreprise transnationale, mais non sans problèmes quant à sa juridicité… Confrontation, enfin, précisément, quant à l’efficacité de ces différents mécanismes de protection des travailleurs (de l’efficacité des clauses sociales dans les traités commerciaux internationaux, c’est-à-dire en définitive, de l’opportunité de sanctions économiques en cas de violations des normes fondamentales du travail (OMC, ANACT, systèmes généralisés de préférence) et de celle des systèmes de traitement classique des plaintes en semblables situations, tant au sein de l’OIT, des institutions du Conseil de l’Europe que dans le cas de l’ANACT). Ainsi, « […] on assiste à une prolifération des normes de niveaux différents, construites sur des modèles différents, qui montrent la nécessité de dépasser la hiérarchie classique des règles pour construire un niveau transnational » (p. 225). Quelles tendances dégager du précédent ensemble normatif ? Une seconde partie dégage avec force les « mutations » suivantes. En premier lieu, la reconnaissance d’un « mouvement …