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Gustave Francq : figure marquante du syndicalisme et précurseur de la FTQ par Éric Leroux, Montréal : VLB Éditeur, 2001, 371 p., ISBN 2-89005-768-2.[Notice]

  • Michel Grant

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  • Michel Grant
    Université du Québec à Montréal

Dans cette biographie très fouillée avec ses 371 pages ses 635 notes infrapaginales, Éric Leroux trace un portrait passionnant et alerte de Gustave Francq (1871–1952), un syndicaliste influent de son époque mais peu connu jusqu’à maintenant en dehors de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). Le personnage dont on nous trace le portrait est à première vue celui d’un ouvrier intellectuel cherchant toujours à combiner l’adhésion à des principes avec les exigences de l’action. Gustave Francq réussit à remplir, simultanément la plupart du temps, des rôles parfois perçus par plusieurs de ses contemporains comme contradictoires : syndicaliste et homme d’affaires, typographe, journaliste, intellectuel et propriétaire d’une imprimerie, progressiste et libéral, défenseur de la démocratie et du capitalisme, catholique et anticlérical, anti-duplessiste, fédéraliste centralisateur et ardent promoteur des unions américaines de métier. Gustave Francq est un personnage influent et dynamique et sa longévité lui a permis de participer à tous les débats syndicaux, politiques, sociaux et nationaux au Québec pendant un demi-siècle. Entre 1916 et 1952, Francq rédige plus de mille éditoriaux dans le Monde ouvrier, le journal officiel du regroupement montréalais des syndicats de métier qui deviendra le journal officiel de la FTQ. Il en sera, simultanément jusqu’en 1941, le principal rédacteur, le gestionnaire, le propriétaire et l’imprimeur, et tout cela en plus d’obtenir les contrats pour l’impression des conventions collectives et des journaux syndicaux ! Ses multiples statuts profes- sionnels suscitent parfois des débats au sein des rangs syndicaux, mais son influence et sa contribution à l’évolution du mouvement syndical sont incontestables. Hormis les interludes plus ou moins longs où on le retrouve comme haut-fonctionnaire nommé par les gouvernements libéraux de Louis-Alexandre Taschereau et d’Adélard Godbout, il représente l’archétype d’une forme du syndicalisme pragmatique incarné par le fondateur de la Fédération américaine du travail (FAT) Samuel Gompers dont Francq est un admirateur et un allié inconditionnel : en politique, on récompense ses amis et on punit ses ennemis ; dans les relations du travail, il voit plus d’avenir pour l’amélioration de la condition ouvrière dans la collaboration patronale-syndicale que dans la lutte des classes. Les échecs électoraux que rencontrent les partis ouvriers qu’il appuie activement au début du siècle, y compris comme candidat, le persuade qu’il n’y a pas d’avenir pour un parti de classe ; il en conclut qu’il est préférable d’agir à l’intérieur des partis traditionnels et il mettra en pratique ce principe en appuyant le parti libéral. Si sa carrière reflète sa capacité d’adaptation politique et idéologique, on retrouve des revendications récurrentes qui illustrent pendant toute sa vie une cohérence dans sa pensée et dans son action : amélioration des conditions de vie pour les ouvriers au travail et en dehors de celui-ci, lutte contre les monopoles, démocratisation des institutions et de l’éducation, droit de vote des femmes et sécurité du revenu des travailleurs. Il manifeste néanmoins son indépendance en appuyant des mesures législatives combattues par les syndicats internationaux mais appuyées par les syndicats catholiques : l’incorporation des syndicats ; l’extension juridique des conventions collectives aux entreprises non syndiquées de certains secteurs ; les allocations familiales. Malgré le sentiment anti-conscription dominant au Québec lors des deux guerres mondiales où il voit les Allemands envahir son pays natal (la Belgique), il se sert ainsi en 1916 du Monde ouvrier pour promouvoir l’enrôlement national. Comme le sous-titre l’indique avec raison, il est une figure marquante du syndicalisme québécois, particulièrement des unions américaines de métier affiliées à l’ancienne Fédération américaine du travail (FAT). La création en 1921 par le clergé d’une centrale syndicale, la Confédération des syndicats catholiques (aujourd’hui la CSN), et surtout le schisme …