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La révolution du travail : de l’artisan au manager par Rolande Pinard, préface de Dominique Méda, Montréal, Éditions Liber, 2000, 342 p., ISBN 2-921569-88-4.[Notice]

  • Colette Bernier

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  • Colette Bernier
    Université Laval

Voici un livre qui saura répondre tant aux attentes des lecteurs intéressés par les transformations récentes du travail qu’à ceux et celles passionnés par les grandes fresques historiques sur le travail et le syndicalisme. Pour Rolande Pinard, la question qui a été à l’origine de cet ouvrage « a été suscitée par le rapprochement de plus en plus patent depuis les années 1980 entre syndicat et management, ce qu’on présente souvent comme une forme de démocratisation du travail et d’émancipation collective des travailleurs ». Pour aborder cette question, l’auteure analyse les différentes significations qu’a prises le travail à travers le temps. Le ton adopté par l’auteure qui a oeuvré de nombreuses années au service de la recherche de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec est un ton politique et engagé ; mais en même temps, c’est à travers une thèse de doctorat fort documentée qu’elle s’attaque à son sujet. En partant d’auteurs tels Touraine, Lefebvre et Gorz qui avaient déjà constaté la fin de la centralité du travail dans la société, le livre de Rolande Pinard est consacré, dans la foulée de travaux plus récents (tel celui de Dominique Méda qui signe d’ailleurs la préface de son livre), à retracer les diverses significations qu’a prises le travail depuis la révolution industrielle. D’emblée, le concept de travail est vu comme une catégorie sociale historiquement construite ; c’est, dit l’auteure, une invention de la modernité contre la féodalité. Tel est en effet le titre du premier chapitre qui donne le ton au reste du livre. Il s’agit en fait d’un essai à caractère historique, retraçant les divers sens du travail à travers l’époque moderne, un essai basé d’abord sur une analyse de documents. L’originalité de l’essai tient au découpage qu’a fait l’auteure des moments qui ont marqué la trajectoire du travail : entre les moments classiques de la révolution industrielle et celui de la crise contemporaine, Rolande Pinard placera la révolution managériale lié au stade du développement du capitalisme qu’elle nomme le capitalisme corporatif-managérial. Ce faisant, pour les fins de son analyse, l’auteure rapproche deux domaines longtemps séparés de la sociologie : la sociologie du management (des organisations) et celle du travail, la première pratiquée surtout aux États-Unis et la seconde en Europe. Par là, elle reprend un certain nombre de thèses d’auteurs américains et les réinterprète à la lumière de sa grille d’analyse, faisant de son ouvrage un amalgame intéressant de thèses peu souvent rapprochées. La deuxième partie du livre aborde le premier moment décisif de la trajectoire du travail, la révolution industrielle. Si le travail peut être analysé comme une libération de la servitude féodale, il devient en même temps marchandise. L’intérêt de cette partie sera surtout de montrer comment le mouvement ouvrier européen a donné un sens social-politique au travail en se servant d’abord de cette caractéristique du travail-marchandise pour marchander le prix du travail en même temps qu’il cherche à garder la maîtrise de l’activité de production. Il n’en ira pas de même pour le mouvement ouvrier américain lorsque celui-ci sera confronté à la révolution corporative managériale au début du 20e siècle. Dans la préface au livre, Dominique Méda avance que la partie de l’ouvrage portant sur ce deuxième moment de l’évolution du travail, à savoir la révolution corporative managériale, est « pour les lecteurs français en particulier, la plus originale et la plus passionnante de cette vaste fresque écrite par Rolande Pinard ». Nous ne saurions qu’être d’accord avec cette affirmation en ajoutant qu’elle le sera aussi pour les autres lecteurs. L’intérêt de cette partie est de montrer la transformation du sens du travail …