Comptes rendus

Laura RobinsonBlack Tights : Women, Sport and Sexuality. Toronto, HarperCollins Canada, 2002, 248 p.[Notice]

  • Karen Messing

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  • Karen Messing
    CINBIOSE
    Université du Québec à Montréal

L’ouvrage Black Tights (« collants noirs »), même s’il a été écrit par une journaliste, s’insère dans une littérature universitaire canadienne sur les femmes et le sport, qui a commencé en 1982 avec Franc-jeu, publié par le Conseil consultatif canadien sur le statut de la femme. Ce livre d’Ann Hall et Dorothy Richarson était le premier à dénoncer l’inégalité de traitement entre femmes et hommes athlètes au Canada. Il a aussi lancé le débat sur la prise en considération des capacités différenciées des hommes et des femmes dans le sport : activités séparées ou identiques ? En 1986, Helen Lenskj, (Out of Bounds : Women Sport and Sexuality) a ajouté au débat en remettant en question l’opposition faite entre la sexualité des femmes et leur participation au sport. Elle a parlé ouvertement de la participation des lesbiennes. Dans Black Tights, où est utilisé le même sous-titre que pour l’ouvrage Out of Bounds, Laura Robinson aborde la discussion de la tension entre la sexualité des athlètes féminines, qui fait partie de leur prise de pouvoir (empowerment), et leur sexualisation, qu’elle associe à une exploitation. En l’absence de traitement économique égal pour les femmes athlètes, leur survie dépend de contrats commerciaux. Le deuxième chapitre documente le fait que, contrairement à la situation des hommes athlètes, l’intérêt des entreprises, et donc leur argent, est accordé aux femmes selon leur allure plutôt que leur performance : « If you’re a woman, you need to look fit, but not too fit. » Ce problème avait déjà été documenté par Lenskyj, mais Robinson approfondit la discussion et apporte des preuves que les stéréotypes raciaux et hétérosexuels jouent également : il ne faut pas non plus être trop noire ni trop musclée. Avec une certaine amertume qui reflète son passé personnel de cycliste et skieuse, elle décrit les « accusations » de lesbianisme portées fréquemment contre les athlètes sérieuses et performantes, surtout si elles insistent sur un traitement égalitaire. Robinson pose la question de la complicité de certaines athlètes, qu’elle accuse d’obtenir célébrité, argent et même reconnaissance professionnelle en se présentant comme sexy plutôt que forte. Elle oppose leur situation au sort qui attend les athlètes non conformes, comme la championne de tennis Martina Navratilova qui a perdu tous ses contrats commerciaux quand elle s’est déclarée lesbienne. Au troisième chapitre, l’auteure discute des tests chromosomiques, maintenant abandonnés, qui ont constitué pendant longtemps une manière de remettre en question la féminité des athlètes. On faisait des prélèvements dans le cas des compétitrices (et non des compétiteurs) pour déterminer si elles avaient un complément chromosomique normal. Parfois, des femmes se faisaient « prendre » parce qu’elles avaient des variations chromosomiques, même si celles-ci ne leur conféraient aucun avantage compétitif. Robinson raconte les déboires de la coureuse de haies espagnole Maria Patina, qui portait une mutation qui la rendait incapable de métaboliser la testostérone. Elle avait l’apparence et les caractéristiques d’une femme même si elle avait le complément chromosomique XY. Il était évident que cette mutation ne comportait pas d’avantages dans le cas des hormones, bien au contraire. Malgré cela, elle a été expulsée de son équipe, tandis que ses médailles et sa bourse d’athlète universitaire lui ont été retirées. Les journaux ont publié plusieurs articles critiques sur sa sexualité, à la suite desquels son ami de coeur l’a laissée. Elle a continué à lutter, mais cela lui a pris quatre ans avant de pouvoir établir sa féminité et retourner aux compétitions. Pour Robinson, la base scientifique de ce type de prélèvement était très douteuse. Cependant, ces prélèvements reflétaient bien l’inconfort d’une société patriarcale …

Parties annexes