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La jeunesse étudiante chrétienne : des origines aux années 1970, Bernard Giroux, Cerf, Paris, 2013, 704 pages[Notice]

  • Serge Cordellier

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Ce gros ouvrage offre une synthèse très fouillée qui manquait sur la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) et la Jeunesse étudiante chrétienne féminine (JECF), lesquelles ont pratiquement fusionné en 1965 . La JEC a été l’un des trois mouvements les plus connus d’action catholique spécialisés consacrés à la jeunesse avec la Jeunesse ouvrière chrétienne - féminine (JOC-JOCF) créée en 1926-1927 et la Jeunesse agricole catholique - féminine (JAC-JACF), créée la même année que la JEC, en 1929. Or, si l’histoire des deux derniers mouvements, JOC et JAC, a fait l’objet de nombreux témoignages, études et publications , plus rares ont été ceux consacrés à la JEC . Ce compte rendu est l’occasion d’évoquer d’autres études de qualité publiées antérieurement. Cet ouvrage est donc plus que bienvenu. Il est issu d’une thèse (augmentée) soutenue à l’Ecole doctorale de Sciences-Po, La JEC (JEC et JECF), de 1945 aux années 1970, soutenue en 2009. L’auteur présente son travail comme une observation des rapports entre l’Eglise catholique et la modernité, ce qu’il caractérise comme un processus de sécularisation de l’Etat, l’avènement du rationalisme et de l’autonomie de l’individu aux dépens de la tradition, notamment religieuse. Une grande attention est consacrée aux relations avec la hiérarchie. Les évêques qui suivaient l’évolution du mouvement ont tenté à plusieurs reprises de le réorienter « dans le droit chemin », ce qui occasionna en certains cas de vives crises, comme en 1933, en 1957 et, surtout, en 1965. L’auteur étudie également l’attitude (engagée et courageuse) du mouvement pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), puis sa position en 1968 et dans les années suivantes, période éminemment politique pour une partie de la jeunesse. La JEC a été créée comme branche de l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF), organisation laïque fondée en 1886, dans le contexte à la fois d’un vif anticléricalisme et d’une montée de la question sociale. Elle avait une double mission d’évangélisation et d’action sociale. A l’origine, l’ACJF entendait restaurer une société chrétienne, un ordre social-chrétien. En 1954-1956, cette association a connu une crise dont elle ne s’est pas relevée. Depuis 1949, selon les options choisies par son conseil fédéral, l’ACJF devait s’orienter vers un mouvement général davantage structuré en commun, cherchant à engager les mouvements d’action catholique spécialisés dans une réflexion fédérale sur les grands problèmes de la jeunesse, de la société et du pays, ainsi que sur la « civilisation occidentale ». Pour Alain-René Michel, dans Catholiques en démocratie , ouvrage de référence qu’il a consacré à l’ACJF, cette réforme « paraissait bien engagée et surtout acceptée de tous ». La JOC a cependant refusé cette orientation, qui aurait à ses yeux fait d’elle une simple branche d’un mouvement plus global. Elle entendait maintenir en priorité ses engagements et ses solidarités au sein du monde ouvrier et se méfiait de la nature sociale des autres mouvements, craignant qu’une coopération plus étroite ne conduise à une « une collaboration de classes ». Le refus de la JOC avait été cautionné par l’Assemblée des cardinaux et archevêques (ACA) en mars 1955. La hiérarchie épiscopale était en effet soucieuse pour sa part de ne pas mélanger « évangélisation » et « action temporelle ». Cette crise fut fatale à l’ACJF, dont le dernier président a été André Vial (1927-2003), alors secrétaire général de la JAC. Cette crise est intervenue tandis que, dans l’Eglise, les prêtres-ouvriers étaient condamnés par Rome en 1954, de même que certains théologiens qui les soutenaient. La Quinzaine, organe du christianisme progressiste, fut pour sa part condamnée par le Saint-Office en 1955. En 1946, déjà, avait eu lieu la « crise du …

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