Recensions

Faire partie du monde : réflexions écoféministes, de Collectif Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2017, 172 p.[Notice]

  • Ève-Laurence Hébert

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L’ouvrage rassemble des textes d’autrices provenant de différents milieux (universitaires, urbains, ruraux, communautaires, littéraires, militants, autochtones, anarchistes, entre autres), illustrant ainsi la diversité qui caractérise les écoféminismes, mais surtout les points qui les rassemblent. Le constat est unanime : il y a urgence d’agir devant la crise écologique à laquelle l’humanité fait face. Celle-ci est structurellement liée au patriarcat, système de domination qui opprime les femmes autant que la nature. Dans les mouvements écologistes, une fermeture face aux enjeux féministes exclut les féministes et affaiblit la lutte (p. 14). Les écoféministes du courant politique ont donc « alli[é] écologie sociale et féminisme radical » pour conceptualiser et théoriser l’imbrication des deux systèmes de domination – le patriarcat et la destruction de l’environnement – afin de les mettre en lumière, les critiquer et les renverser. D’autres féministes écologistes concentrent plutôt leurs énergies et réflexions sur le rapport spirituel et holistique des femmes à la terre et au monde (p. 23), ou à réaffirmer le lien entre la nature et la culture, dissociées à tort par la philosophie occidentale (p. 28). Les écoféministes pacifistes, pour leur part, orientent leur combat autour de l’armement et du nucléaire, dont l’acquisition serait motivée par des hommes, mais les impacts seraient plus grands sur les femmes (santé reproductive, entre autres) (p. 26-27), alors que les antispécistes s’attaquent à la domination patriarcale sur les animaux et les femmes (p. 29). Finalement, la typologie des courants écoféministes en distingue un issu du Sud qui est à l’orée des sensibilités et des théorisations écoféministes (p. 31). Voyons comment les chapitres de Faire partie du monde : réflexions écoféministes mettent en application les différentes approches écoféministes. Ellen Gabriel, écoféministe autochtone, fait une démonstration convaincante du lien entre le problème des femmes autochtones disparues et assassinées, leur exclusion des instances décisionnelles et plus largement les conditions socioéconomiques désolantes des communautés autochtones au Canada. Selon elle, les problèmes auxquels font face les Autochtones sont imputables à des lois et des politiques coloniales qui permettent aux entreprises de prospérer grâce à l’extraction des ressources naturelles et à l’appropriation des terres autochtones de manière négligente et déresponsabilisée (p. 37-39). Cette première analyse confirme la pertinence du lien entre féminisme et écologie pour une compréhension complète des enjeux passés et actuels qui concernent les Autochtones. Dans un même ordre d’idées, Jacinthe Leblanc, chercheure en environnement et militante écoféministe, applique des concepts issus des théories féministes pour analyser les impacts de projets de développement minier comme le Plan Nord. Elle montre les difficultés d’un tel projet pour les femmes : l’accès à l’emploi dans ces industries où elles risquent de toute manière de subir « harcèlement, insultes, violences et sexisme » (p. 93), la division sexuelle du travail qui accroît la charge de travail des femmes qui doivent s’occuper du foyer pendant que le partenaire homme part travailler dans le Nord, l’exclusion des femmes des lieux de pouvoir de l’industrie minière, etc. Par ailleurs, le texte antispéciste rédigé par Élise Desaulniers, directrice générale de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) de Montréal, démontre, non pas sans une pointe d’humour acerbe, la construction sociale qui existe derrière le renforcement de l’identité masculine par une consommation ostentatoire de viande. « [Il] n’y a pas mieux qu’une entrecôte et une pipe pour rendre un homme heureux » (p. 43) est un message qui est véhiculé à travers la culture populaire et principalement les médias adressés aux hommes (magazines, livres de cuisine, publicités du Salon de l’homme, etc.). Délaissons ces conceptions patriarcales et hétéronormatives dans nos rapports à la nourriture et « célébr[ons] […] …