Recensions

Capitalisme, néolibéralisme et mouvements sociaux en Russie, sous la dir. de Michel Roche, Québec, M éditeur, coll. « Mouvement », 2015, 264 p.[Notice]

  • Thomas Laberge

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L’idéal libéral qui a guidé la transition de la Russie communiste vers le capitalisme avait comme objectif de transformer ce pays afin de le rendre libre, prospère et démocratique. Mais les promesses faites par le capitalisme ont-elles été tenues ? C’est cette interrogation qui sert de point de départ à Michel Roche et à ses collaborateurs pour l’ouvrage Capitalisme, néolibéralisme et mouvements sociaux en Russie. La transition de ce pays vers le capitalisme a été l’oeuvre d’une « thérapie de choc » qui avait comme objectif d’empêcher, par une usurpation de la démocratie, tout retour en arrière. Malgré cette volonté de rebâtir la société russe à partir de zéro, cette dernière est encore fortement imprégnée de son héritage communiste. Par conséquent, pour comprendre la société russe d’aujourd’hui, il est nécessaire de se replonger dans son passé soviétique, tout en prenant en considération les éléments plus modernes qui la constituent. C’est avec cette méthode que cet ouvrage, divisé en trois parties, cherche à livrer une réflexion concernant le régime politique, l’économie et les mouvements sociaux de la Russie actuelle. Dans le premier chapitre, Michel Roche offre une rétrospective des éléments politiques importants des dernières années qui ont contribué à façonner le pays. Il s’intéresse particulièrement à la manière dont la Russie est passée d’un régime communiste au capitalisme. Il explique que la transition entre les deux régimes peut être comprise comme une « thérapie de choc » qui a eu comme effet de brimer les libertés démocratiques du peuple russe. Cette stratégie visait à rendre irréversible ce passage vers le capitalisme. Le deuxième chapitre de la même section, écrit par Boris Kagarlitsky, s’intéresse aux effets politiques de la crise économique de 2008. L’auteur s’y réfère afin d’analyser les transformations qui ont cours encore aujourd’hui et leurs conséquences. Déjà aux prises avec des enjeux économiques de taille, la crise a forcé les décideurs politiques à s’engager sur la voie du néolibéralisme. La deuxième section, consacrée à l’économie politique de la Russie, occupe la majeure partie de l’ouvrage. Les cinq textes qui la composent se penchent sur ce qui caractérise le système capitaliste russe ainsi qu’aux problèmes économiques dont souffre le pays. Rouslan Dzarassov propose tout d’abord de démontrer comment le capitalisme russe est intimement lié à la société communiste l’ayant précédé. Cette idée est également reprise par Alexandre V. Bouzgaline qui développe davantage l’analyse afin de démontrer que le système économique russe est en fait la synthèse d’un ensemble d’éléments provenant à la fois de vieux rapports de production pré-capitalistes (par exemple féodaux, claniques ou même esclavagistes), de vestiges de l’époque totalitaire communiste (bureaucratie importante) et, finalement, des composantes du capitalisme avancé avec notamment des droits d’appropriation privée et d’adoption de politiques néolibérales. Ces dernières sont d’ailleurs le thème central du texte d’Anna Otchkina, « Une diète cannibale ». L’auteure s’intéresse de manière plus précise aux effets des politiques néolibérales sur les services publics. En effet, depuis plusieurs années, ces derniers sont soumis à la logique néolibérale cherchant à rendre toujours plus efficaces les services offerts à la population sans se soucier de leur qualité. L’ensemble des contributions de cette partie permet de comprendre les différentes dynamiques articulant l’économie russe actuelle : manque aux niveaux de la stimulation économique et de l’innovation, crise économique de 2008, criminalité au sein des entreprises privées, corruption, enjeux démographiques liés au vieillissement de la population et effets pervers des politiques néolibérales. La dernière section est intéressante puisqu’elle fournit un angle d’analyse très différent. Les deux auteurs, Carine Clément et David Mandel, proposent des récits de mouvements sociaux en Russie qui sont très collés au réel. Le …