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L’enregistrement de l’amygdale révèle un accès inconscient au sens des motsA direct intracranial record of emotions evoked by subliminal words[Notice]

  • Raphaël Gaillard et
  • Lionel Naccache

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  • Raphaël Gaillard
    Inserm U.562, IFR 49,
    CEA/DRM/DSV, Orsay,
    France.
    raphael.gaillard@normalesup.org

  • Lionel Naccache
    Inserm U.562, CEA/DRM/DSV,
    Orsay, France.
    Fédération de Neurologie,
    Fédération de Neurophysiologie clinique,
    IFR 49, Hôpital de la Salpêtrière,
    47, boulevard de l’Hôpital,
    75013 Paris, France.

L’exploration neuro-scientifique des processus mentaux inconscients fait l’objet de nombreuses recherches depuis les années 1970. L’une des questions qui motive ces travaux repose sur les limites de cette cognition inconsciente : quels niveaux d’abstraction peuvent atteindre de telles représentations ? Le débat principal porte surtout sur l’existence de représentations mentales sémantiques inconscientes, c’est-à-dire sur la possibilité d’un accès inconscient à la signification de stimulus tels que des mots, des nombres ou des images. Dans une étude princeps publiée en 1983, A.J. Marcel a apporté une première réponse grâce à l’utilisation d’un paradigme d’amorçage subliminal masqué [1]. Dans un tel paradigme, un premier mot (appelé amorce) est présenté très brièvement pendant quelques dizaines de millisecondes (ms), suivi immédiatement par un stimulus masque (Figure 1) puis par un second mot (appelé cible). Ce mode de présentation permet de supprimer toute perception consciente du mot amorce et d’étudier son éventuelle influence sur le traitement conscient du mot cible. A.J. Marcel a pu observer que lorsque les sujets devaient déterminer si la cible était un mot (par exemple : tigre) ou un non-mot (par exemple : zeotil), dans les essais où le mot cible était précédé par une amorce sémantiquement proche (par exemple l’amorce = lion et la cible = tigre), ils répondaient plus vite lorsque l’amorce et la cible n’étaient pas sémantiquement reliées (par exemple l’amorce = linge et la cible = tigre). Ces résultats ont cependant été remis en cause car on a suspecté les amorces d’être consciemment perceptibles [2]. À la suite de ces premières controverses qui ont permis d’introduire des méthodes rigoureuses de l’évaluation de la perceptibilité consciente des amorces, plusieurs études ont réussi à mettre en évidence des processus sémantiques pour des mots ou des nombres pour lesquels l’absence de perception consciente était bien contrôlée [3, 4]. La plupart de ces résultats ont cependant été discutés à la suite de la découverte d’une interprétation non sémantique de ces effets d’amorçage. Dans la plupart de ces expériences, des associations directes de type « stimulus-réponse », prédites par la théorie de la spécification motrice directe, sont à l’oeuvre et court-circuitent l’analyse sémantique [5]. Ainsi, Abrams et Greenwald ont montré que leurs effets d’amorçage émotionnel masqué étaient entièrement expliqués par le fait que les mots amorces, qui étaient également utilisés comme mots cibles dans d’autres essais, étaient associés à un code de réponse [6]. Dès lors qu’ils utilisaient comme mots amorces des mots jamais perçus comme cibles, les effets d’amorçage disparaissaient complètement. Cette démonstration de la nature non sémantique des représentations des mots amorces masqués fut parachevée en montrant qu’après avoir catégorisé les mots smut (saleté) et bile (bile), comme négatifs sur le plan émotionnel, le mot smile, constitué lui de fragments de ces deux mots, amorçait la réponse négative, et non, comme le voudrait son sens, la réponse positive. À l’heure actuelle, il n’existe qu’une seule catégorie de mots pour lesquels un authentique traitement sémantique inconscient a été rapporté de manière reproductible à l’aide de mesures comportementales et d’imagerie cérébrale fonctionnelle : ce sont les petit nombres entiers [7-10]. Nous avions eu l’occasion de rapporter les premiers de ces résultats dans médecine/sciences dès 1999 [11]. Dans notre nouvelle étude, nous avons pu enregistrer l’activité électrique des amygdales cérébrales, une structure limbique réagissant aux stimulus appartenant au registre de la peur, notamment des visages ou des mots [12]. Ces enregistrements ont été réalisés chez des patients épileptiques réfractaires au traitement médical pour lesquels des électrodes ont été implantées afin de déterminer la position du foyer épileptogène - les techniques non invasives n’ayant pas permis de le faire - en vue d’un …

Parties annexes