Chroniques bioéthiques (3)Tales of Bioethics (3)

Dans les grandes plaines de la génomiqueÉpisode 1: Le marché de la double héliceIn the genomic great plains countryEpisode 1: the double helix market[Notice]

  • Hervé Chneiweiss

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Faut-il croire James Watson lorsqu’il nous dit que la publication de la structure en double hélice de l’ADN dans le numéro d’avril 1953 de Nature [1] est la plus importante des avancées de la biologie après la découverte des mécanismes de l’évolution par Darwin? (voir les articles de B. Jordan et A. Kahn, p. 387, 491 et 497 de ce numéro). Elle sera en tout cas, le point de départ (il est alors âgé de moins de 25 ans) de la brillante carrière de l’un des plus fervents promoteurs du programme « génome humain », programme qui devient le nouveau grand enjeu scientifique dès le premier pas posé sur la lune par Neil Armstrong un petit matin de juillet 1969. De façon intéressante, Watson sera aussi de ceux qui protesteront le plus fermement en 1991 lorsque le National Institute of Health (NIH) tentera d’obtenir des brevets sur les expressed sequence tags (EST) que Craig Venter et son équipe venaient de mettre en évidence, allant jusqu’à démissionner avec grand fracas de son poste d’administrateur du NIH ((→) m/s 1993, n° 2, p. 211 2001, n° 3, p. 290). L’élucidation de la structure de l’ADN a permis d’ouvrir la voie à l’exploration des génomes et a donné naissance à une industrie, la génomique. Celle-ci révolutionna, et bouleverse chaque jour encore, la manière même de faire de la recherche et de concevoir le travail scientifique dans le domaine de la biologie. À mi-chemin de ce cinquantenaire de la découverte de la double hélice, il y a la réunion d’Asilomar où, pour la première fois en biologie, et probablement en sciences, des chercheurs s’interrogent sur les conséquences de leurs travaux avant même de les mener, et décident collégialement d’un moratoire pour se donner le temps d’une réflexion approfondie, puis d’une classification des risques biologiques, d’où naîtront nos sigles kabbalistiques actuels: L2, P2, P3, P4. De la structure chimique et de l’organisation tridimensionnelle de l’ADN à la centaine de génomes microbiens, animaux ou végétaux actuellement séquencés, ces cinquante ans ont vu fleurir nombre de questions éthiques au fil des découvertes. Nous avons pris conscience de notre capacité d’agir sur notre patrimoine héréditaire et celui de notre environnement vivant. Nous avons constaté l’impact économique et social de la génomique. L’industrie de la santé est devenue la première industrie mondiale avec un chiffre d’affaires de 2000 milliards de dollars/euros en l’an 2000, et une perspective de 4000 milliards en 2010. L’industrie de la génomique aura une grande part de ce marché. Rien d’étonnant donc à ce que la génomique soit un champ important de débats bioéthiques. Tout a probablement commencé avec l’automatisation du séquençage, qui a ouvert la route à l’industrialisation de l’acquisition des données dans le secteur académique. Cela a conduit à une externalisation de certains services du secteur public vers le secteur marchand, et à l’apparition d’un premier groupe d’entreprises de biotechnologies. Une seconde révolution de la génomique est née du besoin de structurer les données produites, induisant un développement exponentiel de la bio-informatique et aboutissant à la création d’une nouvelle forme de biologie, virtuelle, in silico. La troisième révolution fut la valorisation rapide des connaissances issues des génomes, qui conduit à une collision parfois difficilement contrôlable entre le secteur public et le secteur privé. Les géants américains du secteur, Amgen, Genentech et autres Biogen, sont nés en tant que prestataires de services pour faire d’une séquence génétique telle que celle de l’hormone de croissance, de l’insuline ou des interférons, des produits pharmaceutiques à part entière. Les connaissances sur le vivant, de même que les méthodologies utilisées pour les obtenir, …

Parties annexes