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Après la double hélice: du gène à l’humainThe double helix and after: from the gene to the human[Notice]

  • Axel Kahn

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Ce texte reprend pour l’essentiel celui d’une conférence prononcée à l’occasion du XXe anniversaire de la création du CCNE (Comité consultatif national d’éthique), le 23 février 2003, au Collège de France (Paris).

Nous l’avons vu (voir p. 491 de ce numéro), c’est le 25 avril 1953 que la revue Nature publie trois articles, dont ceux de Watson et Crick, et de Rosalind Franklin, proposant que l’ADN possède une structure en double hélice qui explique certaines de ses propriétés essentielles. Par ses implications et son retentissement, la découverte de la structure en double hélice marque les débuts réels de la génétique moléculaire qui aboutira, successivement, au décryptage du code génétique, puis au génie génétique offrant les outils du séquençage des génomes. Le 15 février 2001 est annoncé en grande pompe la complétion presque totale par deux équipes concurrentes du séquençage du génome humain. Comme l’implique la théorie de l’Évolution, le génome humain ressemble beaucoup à celui des autres êtres vivants avec lesquels l’homme possède un ancêtre commun. La proximité génétique constitue d’ailleurs une mesure de l’ancienneté de ce dernier. C’est ainsi que la séquence des génomes d’Homo sapiens et du chimpanzé Pan troglodytes, dont le dernier ancêtre commun a vécu il y a environ 7 millions d’années, sont à plus de 98 % identiques. Le dernier ancêtre commun entre l’homme et la souris a vécu il y a environ 90 millions d’années; leurs génomes sont identiques à plus de 80 %. Les similitudes restent grandes avec des êtres vivants dont nous sommes beaucoup plus éloignés, tels que la levure de boulanger, et même les plantes. Et pourtant, parmi toutes ces espèces, c’est l’homme, et lui seul, qui pût se poser la question de sa nature et de ses origines, apprendre à connaître les mécanismes de son hérédité, à décrypter la structure et la séquence du génome et s’est donné le moyen de le modifier. Seul aussi Homo sapiens a pu s’interroger sur sa responsabilité sociale et morale quant à l’usage qu’il faisait de la maîtrise acquise du matériel génétique des êtres vivants. Comment alors concilier l’extraordinaire banalité des gènes humains avec la spécificité des potentialités d’un être qui a pu vouloir les connaître, a su les étudier, s’est donné le moyen de les maîtriser, et s’interroge sur les différentes dimensions de leur valeur, économique et éthique? Observons d’abord que cette rupture épistémologique ne remet nullement en cause les fondements et les limites du déterminisme biologique des gènes. En effet, la proximité biochimique, physiologique et même morphologique des êtres est tout à fait parallèle à leur proximité génétique. L’homme ressemble ainsi plus au chimpanzé qu’à la souris, à la levure et au roseau. Le rappel de cette évidence ne conduit cependant pas à l’interprétation selon laquelle les gènes détermineraient directement chacune des étapes de l’édification d’un être. Celle-ci procède en effet aussi de mécanismes relevant d’une véritable sociologie cellulaire et du jeu complexe des interactions avec l’environnement [1] ((→) m/s 2002, n° 10, p. 1038). Cependant, dans la cascade conduisant, par exemple, d’un oeuf ou d’une graine à un organisme adulte, le contrôle génétique occupe la position hiérarchique la plus élevée, celle qui détermine, pour l’essentiel, les degrés de liberté laissés à l’influence des autres types de phénomène, par exemple aux interactions cellulaires et aux effets de l’environnement, qu’ils soient physiques, chimiques ou psychiques. C’est bien entendu à ce dernier niveau que frappe le plus la discontinuité déjà identifiée entre la banalité biologique d’Homo sapiens, conséquence de celle de son génome et en accord avec le principe de l’Évolution, et l’originalité de son univers mental, moteur du processus civilisationnel. Constater cette rupture n’induit néanmoins pas que le champ des caractéristiques comportementales soit déconnecté de celui des mécanismes biologiques, qui obéissent en quelque sorte à des principes d’autre …

Parties annexes