Dossier

Liminaire[Notice]

  • Anne Pasquier,
  • Marie Chantal et
  • Steeve Bélanger

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  • Anne Pasquier
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

  • Marie Chantal
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

  • Steeve Bélanger
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec et École pratique des Hautes études, Paris

Les textes de ce dossier sont tirés de conférences présentées à l’Atelier-colloque organisé dans le cadre du 80e Congrès de l’Association francophone pour le savoir - Acfas, qui s’est tenu à Montréal, le 7 mai 2012.

Au cours des deux dernières décennies, parmi les questionnements qui ont suscité un grand intérêt et engendré de nombreuses discussions dans la recherche sur l’Antiquité, notons ceux qui ont trait aux terminologies, aux critères, aux concepts, aux théories et aux méthodologies utilisés par les spécialistes du monde ancien pour étudier et définir les communautés et les groupes sociaux, politiques, religieux, ethniques ou ethnico-religieux, pour ne nommer que quelques exemples parmi tant d’autres. L’effervescence entourant la réflexion scientifique sur ces questions a, entre autres, conduit à une double réévaluation et redéfinition : 1) celle qui concerne diverses catégories antiques — comme celles de « judaïsme » et de « Juifs », de « christianisme » et de « chrétiens » ou celle de « paganisme » et de « païens » —, trop souvent abordées et considérées, encore récemment, comme des catégories fermées, voire hermétiques et monolithiques ; 2) celles qui concernent plusieurs paradigmes interprétatifs, et par le fait même les théories et les méthodologies qui y sont associées, qui ont longtemps dominé l’historiographie moderne depuis le xixe siècle. On peut penser, notamment, à l’étude des phénomènes et des mouvements religieux antiques, qu’ils soient publics ou privés, communautaires ou associatifs, philosophico-religieux ou ethnico-religieux. La recherche s’est alors particulièrement intéressée aux contacts, aux interactions, aux rapports de forces, aux exacerbations identitaires et aux influences réciproques entre les différents groupes, communautés et ethnies du monde gréco-romain, de même qu’aux « marqueurs » et aux discours servant à construire, à définir et à délimiter les « identités » anciennes, identités qui se situent à la fois du point de vue des appartenances et dans un rapport plus ou moins étroit avec l’altérité. À ce sujet, les récentes études ont particulièrement montré que les frontières entre les groupes et les communautés, voire même les ethnicités anciennes, n’ont pas été aussi étanches qu’on le croyait, mais que, tout au long de l’Antiquité, comme c’est encore le cas de nos jours, elles ont été à la fois dynamiques, évolutives et perméables en fonction des contextes spatiaux, temporels, politiques, culturels, sociohistoriques et religieux. Encore ne faudrait-il pas, comme c’est souvent le cas dans certains travaux récents, confondre ce que les auteurs anciens, pour des raisons diverses liées souvent à des visées apologétiques et identitaires, ont tenté de présenter discursivement comme des entités fermées, claires et distinctes les unes des autres et la réalité vécue — ou les réalités vécues puisqu’elles sont à la fois multiples et diversifiées, locales et régionales, provinciales et impériales —, car dans l’Antiquité, comme dans nos sociétés modernes, il faut tenir compte, en les nuançant, de la rhétorique des textes et du point de vue des auteurs. Des études précises sur le vocabulaire employé par ces auteurs — qu’ils soient Grecs, Romains, chrétiens ou Judéens —, ont également souligné à quel point celui-ci variait en fonction des contextes historiques et culturels, mais surtout en fonction des contextes d’énonciation, donc en fonction des auditeurs ou des lecteurs à qui sont destinées leurs oeuvres. On ne s’adresse pas de la même manière, dans les mêmes termes et avec les mêmes arguments à nos pairs qu’à ceux de l’extérieur. Ces nuances, qui sont pourtant déterminantes pour comprendre à la fois les subtilités et la richesse des textes anciens, devraient retenir toute l’attention des chercheurs modernes, ce qui est loin d’être le cas. Les innovations de la recherche récente ont également permis de prendre conscience qu’il existe, non seulement entre les groupes, mais à l’intérieur de ces groupes, différentes conceptions du monde qui se reflètent tant au niveau des valeurs que des croyances, des pratiques et des …