Recensions

Pierre Bosset, Paul Eid, Micheline Milot, Sébastien Lebel-Grenier, dir., Appartenances religieuses, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, 448 p.[Notice]

  • Patrice Bergeron

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  • Patrice Bergeron
    Université Laval, Québec, et Université de Lausanne

Des douze articles que contient cet ouvrage collectif, cinq sont issus d’un concours de rédaction d’articles, organisé par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, et lancé à l’automne 2006, au moment où s’enflammait le débat québécois sur les « accommodements raisonnables » en matière religieuse. C’est toutefois l’ensemble de l’ouvrage qui épouse l’objectif général de faire valoir la nécessité et la pertinence d’une réflexion critique (sciences sociales, juridiques, philosophie) sur la place de la religion dans l’espace public. Cet enjeu est étudié sous trois angles différents, qui forment les trois parties de l’ouvrage : la gestion du pluralisme religieux, l’expression publique des croyances et la citoyenneté face aux appartenances religieuses. C’est de la gestion étatique du pluralisme religieux dont il est question en première partie, et principalement en fonction des cas québécois et français. Dans un bref article, Jean Baubérot souligne que le modèle « républicain » de la laïcité française, souvent associé à un universalisme abstrait laissant peu de place à l’expression publique des croyances, est loin de faire l’unanimité. Plus encore, « depuis les années 1980 […] un certain multiculturalisme travaille la société française » (p. 18). Baubérot en voit des traces entre autres dans la gestion territoriale et ethnoculturelle de la scolarisation. Micheline Milot, de son côté, fait l’histoire de l’émergence de la notion de laïcité au Québec. On apprend que cette notion, longtemps ignorée ou évitée, a fait son entrée à la fin des années 1990, dans le cadre des débats sur la prise en charge de la diversité religieuse croissante. Elle désignait alors un « mode d’aménagement politique […] qui vise à assurer […] l’égalité et la liberté de conscience et de religion » (p. 33). L’idée de laïcité comme valeur identitaire collective de la majorité, qui est une création récente, tend à faire oublier cette acception initiale de la notion, comme outil de protection de la liberté de conscience et de religion. Marianne Hardy-Dussaut compare quant à elle les approches françaises et québécoises sur une question précise, celle du port de signes religieux dans les établissements publics d’enseignement. L’approche juridique qu’elle met à profit se retrouve également dans le texte de Sébastien Lebel-Grenier, qui traite en fonction des contextes québécois et canadiens du vaste problème de la « judiciarisation » du politique et de son envers, l’instrumentalisation possible des revendications religieuses à des fins politiques de reconnaissance publique. Le texte d’Anne Saris sur la porosité variable (parfois grande, parfois restreinte) du droit étatique aux diverses normativités religieuses clôt la première partie sur une note plus théorique. La deuxième partie, qui traite de l’expression publique des convictions religieuses, s’intéresse d’abord aux tensions qui émergent lorsque cette expression et la liberté de religion qui la rend possible entrent en conflit avec un autre droit fondamental, comme le droit à l’égalité des sexes. L’exploration des différents outils juridiques canadiens et québécois qui balisent ce terrain difficile conduit Pierre Bosset et Louis-Philippe Lampron à des conclusions divergentes, voire opposées. Le premier insiste sur l’interdépendance des droits et valorise un règlement des conflits qui passe non pas par une hiérarchisation des droits, mais par une recherche d’équilibre et un travail d’arbitrage et de conciliation. Si le second met d’abord et surtout en évidence un certain flou juridique sur la question, il opte néanmoins et plutôt pour une hiérarchisation des droits qui avantagerait le droit à l’égalité des sexes. Selon lui, le droit international penche de ce côté et devrait inspirer davantage la jurisprudence canadienne. L’article de Pierre Sercia sur les modèles d’intégration sociale chez les élèves fréquentant les écoles ethnoreligieuse, …

Parties annexes