Recensions

Bernard Sesboüé, Sauvés par la grâce. Les débats sur la justification du XVIe s. à nos jours. Paris, Éditions Facultés Jésuites de Paris, 2009, 317 p.[Notice]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane

La justification par la grâce au moyen de la foi est le thème symbolique du conflit qui a séparé catholiques et luthériens au moment de la Réforme. Cet ouvrage retrace les innombrables débats, d’abord dans un climat grandissant de confrontations (Première partie) avant de redevenir, au xxe siècle, l’objet d’un dialogue (Seconde partie) inscrit dans une bienveillance mutuelle retrouvée, et mené dans un espoir de réconciliation des Églises. La Première partie s’articule autour de quatre chapitres : Luther et l’article qui fait tomber l’Église ; de Luther au Concile de Trente avec la Confessiond’Augsbourg et le Livre de Ratisbonne ; le Concile de Trente (préparation, méthode et interprétation) ; le décret de la VIe session du Concile de Trente. Cette première partie de l’ouvrage montre que, pour Luther, la justification est l’articulus stantis vel cadentis Ecclesiae, c’est-à-dire le dogme fondamental et central du christianisme, le coeur de l’Évangile. C’est pourquoi, le moine augustinien insiste davantage sur la foi-confiance que sur la foi dogmatique, sur le croire en… plus que sur le croire que… Ce n’est pas le savoir de la foi qui sauve, mais l’engagement total du croyant dans la confiance en la grâce toute-puissante de Dieu. On lui avait enseigné une justice ascendante, celle que l’homme doit rendre à Dieu pour ses péchés et par des oeuvres actives, et il découvre une justice descendante, gratuite et totalement passive du côté de l’homme. L’homme est radicalement perverti et habité par une disposition fondamentale et invincible au mal. Tout en lui est péché. Il ne peut que porter, malgré ses bonnes actions, que des fruits mauvais. La nature humaine est devenue l’ennemie de Dieu. Devant la radicalité du mal, la justification ne peut être que passive. L’article de la justification par la foi est l’article qui fait tenir ou tomber l’Église. Celle-ci est une organisation de droit humain. Elle n’est pas une institution de salut. La rupture entre catholiques et luthériens est fondée sur cette réalité. Pour ces derniers, la scriptura sola est efficace pour le salut. Pour les autres, le Christ a fondé son Église dans laquelle les croyants baptisés mènent une existence chrétienne. La Confession d’Augsbourg (1530) exprime fidèlement la pensée des Réformés. L’article IV affirme que chacun devient juste devant Dieu par grâce, à cause du Christ, et chacun croit que le Christ a souffert pour tous, et que, grâce à lui, le pardon des péchés, la justice et la vie éternelle sont donnés. Quatre ans avant le Concile de Trente, le Livre de Ratisbonne se présente comme une tentative de rapprochement entre catholiques et luthériens. Les discussions achoppent sur le sens à donner à l’Église, à l’autorité du pape et des conciles, à la pénitence et surtout à l’eucharistie. Le Concile de Trente tranchera. La voie que souhaitait prendre le pape Paul III. L’ouvrage se livre, par la suite, à un long commentaire doctrinal du décret de la VIe session du Concile de Trente. Le Concile le résume sous sept points majeurs : les Réformateurs enseignent la corruption totale de la nature humaine, alors que l’Église catholique tient que le libre arbitre humain n’est ni perdu ni éteint ; les Réformateurs tiennent que la concupiscence est péché et le reste après le baptême, alors que l’Église catholique soutient le contraire ; les Réformateurs enseignent que l’homme est totalement passif en face de Dieu et que toute coopération de l’homme est exclue dans la justification, tandis que l’Église catholique tient que, par la grâce de Dieu, l’homme est préparé à accueillir la justification ; les Réformateurs enseignent que la grâce …