Notes critiques

Quelques perspectives récentes sur l’Évangile selon Thomas [Notice]

  • Paul-Hubert Poirier

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  • Paul-Hubert Poirier
    Faculté de théologie et de sciences religieuses
    Institut d’études anciennes
    Université Laval, Québec

L’Évangile selon Thomas, dont le texte complet a été révélé en traduction copte par la découverte des textes de Nag Hammadi en décembre 1945, n’a cessé, dès avant l’editio princeps parue en 1959, de susciter de l’intérêt. Le recueil qui fait l’objet de cette note et qui enrichit une bibliographie depuis longtemps pléthorique, rassemble les textes présentés lors d’un colloque interdisciplinaire tenu à Eisenach, en Allemagne, du 1er au 4 octobre 2006, sous le thème : « L’Évangile selon Thomas dans le contexte de la littérature chrétienne primitive et tardo-antique, et de l’histoire des religions », et qui réunissait des spécialistes des sciences bibliques, de la patristique, de la philologie classique et de la coptologie. À ces communications se sont ajoutés quelques textes rédigés spécifiquement pour cet ouvrage. L’introduction, rédigée sans aucun doute par les éditeurs, précise tout d’abord l’orientation générale du colloque. Comme celui-ci se proposait d’examiner dans un contexte élargi l’Évangile selon Thomas en tant qu’apocryphe chrétien ancien, on apporte tout d’abord quelques précisions sur l’épithète « apocryphe » habituellement attachée à cet écrit. Si elle peut paraître anachronique dans la mesure où l’opposition apocryphe-canonique ne vaut pas pour l’époque d’origine présumée de l’Évangile selon Thomas, au plus tard le iie siècle, elle n’est pas pour autant inappropriée dans la mesure où le texte lui-même annonce, dès ses premières lignes, qu’il transmettra des « paroles cachées », ou « secrètes » ( /, οἱ λόγοι ἀπόκρυφοι). Quelques pages sont ensuite consacrées, sous la forme d’une histoire de la recherche, à la situation de l’Évangile selon Thomas au sein des traditions évangéliques apocryphes. Les travaux relatifs aux relations qu’entretiendrait Thomas avec la source des dits (Q), la tradition synoptique et l’Évangile de Jean sont largement évoqués. Tout en reconnaissant les acquis de ces travaux, les auteurs insistent sur la nécessité de considérer aussi, sinon d’abord, l’Évangile selon Thomas comme un témoin significatif du premier christianisme et de l’insérer dans le contexte du deuxième siècle. L’introduction se termine par une brève présentation du contenu de l’ouvrage et de son organisation tripartite. Intitulée « Origine », la première section du livre rassemble dix articles et elle s’ouvre par celui de Larry Hurtado : « The Greek Fragments of the Gospel of Thomas as Artefacts : Papyrological Observations on Papyrus Oxyrhynchus 1, Papyrus Oxyrhynchus 654 and Papyrus Oxyrhynchus 655 ». L’auteur fait tout d’abord observer que, nonobstant la masse des publications consacrées à l’Évangile selon Thomas, on n’a pas accordé suffisamment d’attention, dans leur matérialité, aux manuscrits qui l’ont transmis. Il passe ensuite à un examen de chacun des trois papyri qui attestent du texte grec de Thomas. Ses observations codicologiques, paléographiques et orthographiques, notamment sur les iotacismes et la graphie des nomina sacra, complètent les descriptions données par les inventeurs des papyri, Bernard P. Grenfell et Arthur S. Hunt, et celles qui ont suivi (dont J. Fitzmyer et H.W. Attridge). Au terme de ce réexamen, Hurtado arrive aux conclusions suivantes : dans les trois cas, il s’agit de copies destinées à un usage privé ; si l’on considère le nombre d’exemplaires préservées par oeuvre chrétienne grecque, aux iie et iiie siècles, l’Évangile selon Thomas se situe dans la moyenne, ce qui suggère un lectorat moins important que pour les Psaumes (16 ex.) ou le Pasteur d’Hermas (11 ex.), mais plus important que pour Marc, 1-2 Pierre ou 1-2 Jean (1 ex. chacun) ; le fait que les papyri de Thomas semblent avoir été produits pour un usage privé donnerait à penser qu’il …

Parties annexes