Comptes rendus

Hamon, Max. The Audacity of His Enterprise. Louis Riel and the Métis Nation that Canada Never Was, 1840-1875. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2019, 414 p.[Notice]

  • Nathalie Kermoal

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  • Nathalie Kermoal
    Université de l’Alberta

Alors que nous pensions avoir tout lu sur Louis Riel, Max Hamon entreprend d’écrire un nouveau livre sur le chef métis. The Audacity of His Enterprise est une biographie elle-même audacieuse et non conventionnelle. En favorisant une approche historique transnationale qui touche à la fois à l’histoire autochtone, canadienne-française, canadienne-anglaise et américaine, l’historien nous propulse dans l’univers de Riel — qui est multiple puisque l’homme a beaucoup bougé dans sa vie et avait un réseau d’influence élargi. En analysant les divers mondes d’un des personnages les plus controversés de l’histoire canadienne, Hamon déconstruit petit à petit les idées reçues à l’égard de Riel et par la même occasion remet quelques pendules à l’heure. Nous nous libérons du personnage plus grand que nature, au prophète ou même à l’homme rongé par ses démons, comme l’ont souligné certains biographes ; dans ce livre nous sommes face à l’homme. L’analyse d’Hamon humanise Riel et s’éloigne des thèses qui trouvent Riel « trop ceci » ou « pas assez cela » du fait qu’il était métis. Les lecteurs de ce livre trouveront la chronologie inhabituelle. En effet, Hamon ne termine pas son livre en 1885 avec l’épisode de Batoche (Saskatchewan) et la pendaison de Riel mais plutôt en 1875, afin d’accentuer la pensée audacieuse d’un leader qui avait pour ambition de créer un environnement politique nouveau ayant pour objectif la fusion des perspectives des différents acteurs de la société : les Premières Nations, les Métis, les Canadiens anglais et les Canadiens français. La périodisation choisie par l’auteur accentue l’agentivité de l’acteur principal du livre et les contextes formateurs de sa vie et de son cheminement intellectuel. En s’appuyant sur un travail d’archive solide — plutôt que d’utiliser les cinq volumes publiés en 1985 des écrits de Riel —, Hamon analyse les archives originales des écrits de Riel afin d’y jeter un regard nouveau. Ce retour aux sources permet à l’auteur d’accentuer le parcours intellectuel de Riel plutôt que ses défauts et ses ratés (comme l’on fait d’autres biographes) et en s’appuyant sur les plus récents travaux en études métisses au sujet des multiples influences qui ont permis à Riel et à ses alliés de « façonner le Canada et créer l’État moderne » (p. 4). Selon l’auteur, « les écrits de Riel parlent de son propre sens de l’histoire en devenir » ; « la vie de Riel n’est pas une simple histoire de résistance. Il s’est intégré, ainsi que les Métis, dans les structures politiques. La perspective de ce livre est que sa rencontre avec le Canada a été dialogique plutôt que didactique, un dialogue impliquant de multiples perspectives et une négociation considérable » (p. 4). Ce livre présente deux arguments principaux : 1) « Louis Riel a participé à l’élaboration d’un nouvel environnement politique en Amérique du Nord britannique » (p. 5). Selon l’auteur, Riel et les Métis ont été beaucoup plus impliqués dans l’élaboration de l’État que les historiens ne l’ont reconnu (p. 5). 2) Riel a tenté d’intégrer les perspectives métisses (et plus largement autochtones) et les perspectives canadiennes (française et britannique) dans son projet (p. 5). Hamon met donc de l’avant la capacité qu’avait Riel de naviguer entre ces mondes, sa compréhension des enjeux mais aussi sa force intellectuelle qui lui a permis d’imaginer un Canada qui va au-delà de celui imaginé par les fondateurs du pays. Selon Hamon, Riel avait l’art et la manière de « tisser ensemble différents contextes » et pour le démontrer l’auteur a structuré son livre selon les quatre grandes phases de la vie de Riel : la famille, l’éducation, la culture politique et …