Comptes rendus

Seager, Frédéric, Été 1967 : De Gaulle, Israël et le Québec (Aix-en-Provence, Éditions Persée, 2018), 81 p.[Notice]

  • Samir Saul

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  • Samir Saul
    Université de Montréal

Il était prévisible que le cinquantenaire de la visite du général de Gaulle au Québec, dont le point d’orgue fut la retentissante petite phrase lancée du balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal, soit l’occasion de rappels et de publications. Ont bien été au rendez-vous en 2017 des auteurs tels Olivier Courteaux, André Duchesne et Christophe Tardieu, lesquels ont des devanciers en Dale Thomson et Marine Lefèvre. Hormis l’essai de Tardieu, leurs ouvrages constituent des monographies fouillées faisant appel aux archives. Tous ont la facture d’un livre, de la cohérence interne à la longueur. On ne saurait en dire autant du fascicule de Frédéric Seager, texte inclassable. Dès l’abord, sa minceur le différencie des publications précédentes. Autre détail : la photo sur la page couverture est identique à celle qui a été employée auparavant pour la couverture du livre de Courteaux. Passées les premières impressions, on demeure dubitatif devant le contenu. Outre la proximité chronologique entre la guerre de juin 1967 au Moyen-Orient et la visite du Général au Québec le mois suivant, l’association d’Israël et du Québec ne s’impose pas d’elle-même. Qu’y a-t-il de commun entre le conflit au Moyen-Orient et les tiraillements canado-québécois ? Le lecteur se rend vite compte que le propos de l’auteur concerne moins le séjour laurentien du Général qu’un jugement sur sa carrière. Selon ce récit, de Gaulle aurait mérité de son pays durant la Seconde Guerre mondiale et depuis la fondation de la Ve République, mais seulement jusqu’en 1967. Il aurait alors gâché un bilan honorable en commettant deux fautes : critiquer Israël et prendre parti en faveur de l’indépendance du Québec. Aux yeux de l’auteur, il aurait dilapidé son capital politique dans le premier cas et fait de sa personne la risée du monde dans le second. Preuve en est, pour l’auteur, qu’Israël a gagné la guerre en 1967 et que le Québec n’est pas souverain. Ainsi, le Général aurait doublement échoué, ses incursions verbales n’ayant été que des coups d’épée dans l’eau. Invoquant Bismarck, l’auteur considère la politique comme l’art du possible. On doit conclure que les convictions, les positions qui se démarquent des conceptions dominantes et les remises en question de l’ordre établi sont ipso facto futiles. Si ce raisonnement était transposé à 1940, de Gaulle n’aurait droit qu’à une condamnation mâtinée de condescendance pour son pari apparemment insensé de refuser une défaite pourtant si indiscutable. Juge-t-on de la valeur d’une position à la seule aune du cours des événements (et sur quel laps de temps ?) ou en prenant aussi en compte son contenu intrinsèque ? À côté du pragmatisme, y a-t-il des principes ? Est-il interdit de se dissocier des idées et des intérêts dominants de son époque ? Une réponse positive conduirait à désapprouver toute la carrière de De Gaulle, de ses démêlés avec le haut-commandement militaire durant les années 1930 à sa démission en 1969. La publication réunit cinq chapitres allant de huit à quatorze pages, et un épilogue de dix pages. Son point de départ est l’année 1960. Le premier chapitre aborde la visite de De Gaulle à Ottawa, Québec, Montréal et Toronto en avril 1960. Puis il présente un aperçu de l’« alliance tacite » entre la France et Israël depuis 1950, les deux ayant pour ennemi commun le monde arabe. La France arme Israël et lui transfère la technologie nucléaire. Cependant les accords d’Évian de mars 1962 mettent fin à la guerre d’Algérie, sortent la France d’une logique anti-arabe et la distancient d’Israël. Suit un chapitre d’observations diverses sur la colonisation et la décolonisation, avec une idée sous-jacente : le Canada ne …