Comptes rendus

Lamarre, Jean, Le mouvement étudiant québécois des années 1960 et ses relations avec le mouvement international (Québec, Septentrion, 2017), 178 p.[Notice]

  • Arnaud Theurillat-Cloutier

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  • Arnaud Theurillat-Cloutier
    Collège Jean-de-Brébeuf

Parmi les ouvrages portant sur les années 1960, ce livre de Jean Lamarre choisit d’adopter la perspective d’une histoire « transnationale » axée sur la circulation des idées entre les organisations étudiantes. Jean Lamarre dresse ici un portrait documenté des relations bilatérales des associations étudiantes nationales du Canada, du Québec, de France et des États-Unis au moyen de leurs archives respectives et interroge l’influence possible de ces échanges sur la convergence idéologique des organisations. Malgré la prétention à une histoire « enchevêtrée », le point focal demeure l’étude de l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ). En endossant l’idéologie du syndicalisme étudiant, l’UGEQ adopte précocement une perspective politique et critique qui fait défaut aux autres associations du continent, à l’exception de la Students for a Democratic Society (SDS). Dans le contexte où le Québec s’ouvre sur le monde, le mouvement étudiant prétend pouvoir jouer un rôle déterminant pour donner une voix au Québec sur la scène internationale, entre autres en se faisant reconnaître par les unions internationales. En général, l’UGEQ adopte une position mitoyenne entre l’Union internationale des étudiants (UIE), davantage alignée sur Moscou, et la Conférence internationale des étudiants (CIE), plus proche des États-Unis et oeuvre à l’unité internationale. Sur le terrain, elle mobilise ses membres contre la ségrégation raciale aux États-Unis et l’intervention américaine au Viêt-nam. Jean Lamarre avance – et il s’agit de la principale thèse originale soutenue dans l’ouvrage – que les motivations profondes des exécutifs de l’UGEQ pour stimuler de telles mobilisations étaient liées à leur penchant nationaliste. En d’autres termes, les mobilisations anti-impérialistes et contre la ségrégation devaient ultimement mousser la question nationale parmi les étudiants. Dans le deuxième chapitre, Jean Lamarre rapporte les débats et tensions au sein de la Fédération nationale des étudiants des universités canadiennes (FNEUC, deviendra l’Union canadienne étudiante, UCE) qui ont tranquillement fait émerger les conditions de naissance de l’UGEQ. Les francophones, plus revendicateurs et syndicalistes, faisaient face à des associations anglophones plus conservatrices, moins soucieuses des consultations démocratiques de la base et qui, malgré certaines positions en appui aux pays du Tiers monde, refusaient de donner un rôle social plus large aux étudiants. En dépit de certaines concessions faites aux francophones en 1963, le lobby de l’UCE auprès du gouvernement fédéral, effectué dans le but de mettre en place un système de prêts étudiants, va convaincre les francophones de quitter le bateau et de fonder l’UGEQ, car ce lobby avait été fait sans consultation préalable des membres. L’UCE posera d’abord un jugement sévère contre cette nouvelle union, mais dès juillet 1965 les prises de positions politiques de l’UCE laissent croire que l’UGEQ a tiré l’union canadienne vers la gauche. Dans le troisième chapitre, Jean Lamarre se penche surtout sur la National Students Association (NSA). Dans les années 1960, ses positions corporatistes, son refus de la désobéissance civile (sit-in), son ambiguïté face à la ségrégation raciale, de même que la révélation de son financement par la Central Intelligence Agency (CIA) – dans le but de l’informer des positions des étudiants communistes et issus du Tiers monde – mineront grandement sa réputation et favoriseront la fondation et l’expansion de la SDS, plus militante. En général, la NSA sera méfiante envers l’UGEQ, qu’elle juge menée par une gauche radicale, d’autant plus qu’elle prend des positions bien plus critiques sur la question raciale et le Viêt-nam. L’UGEQ s’inspirera davantage de la SDS et de ses pratiques des teach-in et sit-in, mais sa direction refusera son « recours à la violence » (dont la nature n’est malheureusement pas précisée par l’auteur) et sa méthode d’organisation décentralisée et menée …