Comptes rendus

BOUVIER, Félix, Histoire du Séminaire de Mont-Laurier. Formation d’une élite et d’une classe moyenne (Montréal, Fides, 2005), 267 p.[Notice]

  • Louise Bienvenue

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  • Louise Bienvenue
    Département d’histoire et de science politique
    Université de Sherbrooke

« Préparer la jeunesse canadienne, non seulement à l’état ecclésiastique et aux professions libérales, mais encore à la carrière commerciale et industrielle », voilà comment les autorités du Séminaire Saint-Joseph de Mont-Laurier définissaient la mission de leur institution en 1915-1916. L’ouvrage de Félix Bouvier, Histoire du Séminaire de Mont-Laurier, vient précisément mettre en lumière le rôle de ce collège dans le développement dit « intégral » de la région des Hautes-Laurentides au cours de la période 1910-1965. L’auteur s’intéresse à la formation de l’élite cléricale et professionnelle donnée au sein de cette institution, mais souligne aussi l’importance accordée à la préparation des classes moyennes. En insistant sur le caractère diversifié de la formation — les cours commercial et classique étaient offerts, mais on ouvrit aussi une école d’Arts et Métiers et une école d’Agriculture —, Bouvier s’inscrit au sein d’un courant de réinterprétation du mouvement de colonisation périlaurentienne. Inspiré par les travaux de Gabriel Dussault et de Christian Morrissonneau, il présente la colonisation, et les institutions qu’elle met en place, comme une entreprise complexe et relativement bien adaptée aux impératifs économiques et sociaux de son époque. Il récuse de ce fait les thèses plus classiques présentant le mouvement comme entièrement tributaire d’une idéologie agriculturiste et passéiste. Version remaniée d’une thèse de doctorat présentée à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal en 2003, l’ouvrage comporte trois parties d’une longueur et d’un intérêt inégaux. La première, heureusement la plus courte, vient faire office de contexte. Il s’agit en fait d’un bilan historiographique présentant les ouvrages importants et les polémiques traversant quatre champs d’étude liés au sujet : l’enseignement classique, la colonisation, le développement des Hautes-Laurentides et de Mont-Laurier et l’évolution socioreligieuse du Québec. Ce genre d’exercice, propre à toute bonne thèse de doctorat, détonne un peu dans le cadre d’un ouvrage publié. Avec ses longues citations, parfois mal intégrées au récit, et son style plutôt scolaire, cette première partie s’avère bien longue, d’autant qu’elle ne contient, à toutes fins utiles, pas de matériel original. L’auteur aurait pu aisément fusionner ces informations contextuelles et historiographiques à la démonstration, d’autant que celle-ci est livrée, du moins au chapitre deux, sur un mode chronologique. En lieu et place de cet état de la question, on aurait préféré une présentation critique et détaillée du corpus documentaire sur lequel s’appuie la recherche. Des précisions concernant les paramètres de l’enquête orale (nombre d’entrevues, mode d’échantillonnage) auraient, en outre, été appréciées. Il faut donc patienter jusqu’à la page 80 pour entrer enfin dans le vif du sujet. Avec la deuxième partie, « Le Collège de Nominingue et le Séminaire de Mont-Laurier », la lecture devient plus intéressante et instructive. Les débuts de l’institution, retracés de façon minutieuse par Bouvier, sont particulièrement révélateurs de la particularité pédagogique de cette maison d’enseignement. Le projet d’une institution d’enseignement supérieur dans les Hautes-Laurentides, imaginé dès 1878 par le curé Antoine Labelle, ne voit toutefois le jour qu’après bien des atermoiements, dans le village de Nominingue en 1910. C’est au collège Sainte-Marie-de-Monnoir en Montégérie que les chanoines réguliers de l’Immaculée-Conception, chargés du projet, trouvent un programme de formation sur lequel prendre modèle. Ce programme est, en réalité, une formule mixte des formations commerciale et classique : l’étudiant y fait d’abord trois années de formation « commerciale », axées sur l’apprentissage du français, de l’anglais et des mathématiques, puis dans la mesure où il souhaite poursuivre, entre alors au « classique » pour y étudier le latin, le grec et la littérature pendant trois autres années. Les plus persévérants complètent ensuite leur baccalauréat ès arts par deux années de philosophie. Cette …